mardi 17 septembre 2013

Fracture pathologique de la mandibule Pathological mandibular fracture

Fracture pathologique de la mandibule
Pathological mandibular fracture


Un patient aˆge´ de 19 ans est admis dans le de´partement

de chirurgie maxillofaciale suite a` une agression

sur la voie publique. Il pre´sente une tume´faction

douloureuse de la re´gion mandibulaire gauche en

regard de la premie`re molaire.

L’examen clinique objective une tume´faction douloureuse

accompagne´e d’un he´matome de la re´gion mandibulaire

au niveau du vestibule buccal adjacent aux dents 36 et 37.

La radiographie panoramique re´ve`le la pre´sence d’une

double fracture de la branche horizontale gauche, dans
une zone osseuse d’aspect lytique et irre´gulie`re de la re´gion

pe´riapicale des dents 36 et 37 (fig. 1).
Figure 1. Orthopantomogramme montrant la double fracture 
mandibulaire gauche. 

Vu l’aspect de´labre´ des dents 36 et 37, le diagnostic de
kyste pe´riapical avec fragilisation de la mandibule est
e´voque´.
Le bilan sanguin re´alise´ a` l’admission est normal.
Le patient est hospitalise´ et, sous anesthe´sie ge´ne´rale, les
dents 36 et 37 sont extraites, la le´sion mandibulaire curete´e
et le produit de curetage envoye´ pour une analyse anatomopathologique.
Les fractures sont alors re´duites et oste´osynthe
´se´es par une plaque (fig. 2).
Les suites ope´ratoires sont normales et le patient quitte le
service au deuxie`me jour postope´ratoire


Figure 2. Orthopantomogramme postope´ratoire.


Quelle le´sion l’examen anatomopathologique a-t-il re´ve´le´ ?


Re´ponse

L’examen anatomopathologique de la le´sion mandibulaire

e´voque le diagnostic d’histiocytose langherhansienne.

Il s’agit d’une prolife´ration histiocytaire non ne´oplasique

d’e´tiologie inconnue.

Elle n’est de´termine´e par aucun caracte`re ethnique ou ge´ographique

et se rencontre surtout chez l’enfant de sexe

masculin (50 % des cas survenant avant l’aˆge de 20 ans).

Les le´sions osseuses se situent pre´fe´rentiellement au

niveau des os plats (craˆne, coˆtes), des verte`bres, de la mandibule

et des os longs (fe´mur et hume´rus). En cas d’atteinte

maxillofaciale, ce sont les re´gions molaires infe´rieure et

angulaire qui sont habituellement touche´es [1-3].

L’histiocytose langerhansienne a e´te´ de´crite pour la premie`

re fois a` la fin du XIXe sie`cle par Hand. En 1953, Lichtenstein

propose le terme d’histiocytose X pour de´signer trois

expressions cliniques diffe´rentes d’une meˆme maladie, le

de´nominateur commun e´tant la nature histiocytaire ; il

s’agit du granulome e´osinophile, de la maladie de Hand-

Schuller-Christian et de celle de Letterer-Siwe. De nombreux

travaux scientifiques ont montre´ les transformations

possibles d’une forme clinique en une autre, toujours dans

le sens d’une aggravation du pronostic.

La de´finition actuelle de ces diffe´rentes entite´s cliniques est

base´e sur des crite`res histologiques. Nezler, en 1973, identifia

la pre´sence des cellules de Langerhans dans les le´sions.

L’histiocytose langerhansienne est une maladie due a` la prolife

´ration des histiocytes issus de la diffe´renciation des

monocytes (varie´te´ de leucocytes de grandes dimensions

destine´s a` devenir des macrophages et dont le roˆle est la

captation et la digestion des e´le´ments e´trangers). Les histiocytes

assurent normalement la de´fense de l’organisme, mais

en cas d’histiocytose, leur multiplication anormale s’accompagne

d’une invasion des visce`res et/ou des os [2, 4].

L’histiocytose langerhansienne peut atteindre divers tissus

et organes et prendre selon la localisation une expression

clinique diffe´rente. On distingue des formes localise´es (granulome

e´osinophile) et des formes diffuses, aigue¨s (maladie

de Lettere-Siwe) ou chroniques (maladie de Hand-Schuller-

Christian) [3, 4].

Notre cas clinique entre dans le cadre des granulomes e´osinophiles.

Ils se localisent le plus souvent au niveau des os

et/ou des poumons. L’atteinte osseuse, unique ou multiple,

affecte pre´fe´rentiellement la mandibule et se manifeste cliniquement

par des douleurs, des tume´factions, des fractures

spontane´es, des mobilite´s dentaires anormales ou

encore un retard de cicatrisation apre`s avulsion dentaire.

On n’observe pas de signe de Vincent.

Radiologiquement on de´crit une lacune osseuse a` contours

finement « grignote´s » qui sie`ge le plus souvent au niveau

molaire et qui a tendance a` apparaıˆtre dans la zone de

bifurcation des racines ; celles-ci pouvant parfois eˆtre re´sorbe

´es. Il existe des cas de destruction des bourgeons dentaires

et de perforation de la corticale osseuse [1].

C’est l’examen anatomopathologique qui permet de poser

un diagnostic de certitude [3]. L’histologie conventionnelle

renseigne sur la topographie de l’infiltrat histiocytaire,

l’aspect des cellules, l’association a` des e´le´ments non histiocytaires

(lymphocytes, e´osinophiles), la pre´sence de cellules

ge´antes ou encore l’existence d’une surcharge lipidique.

La mise en e´vidence en microscopie e´lectronique

des corps de Birbeck dans le cytoplasme des cellules de Langerhans

ainsi que le marquage membranaire des histiocytes

par immunohistochimie avec un anticorps anti-CD1a

confirme le diagnostic d’histiocytose langerhansienne [3].

Le traitement doit eˆtre adapte´ a` la se´ve´rite´ de la maladie et

a` son caracte`re e´volutif. Le traitement chirurgical (curetage–

exe´re`se) est le premier choix en cas de le´sion osseuse

unique. Il expose a` moins de 12 % de re´cidives. Une injection

locale de corticoı¨des (80 a` 100 mg de succinate de

me´thylprednisolone) est parfois propose´e seule ou en association

avec le traitement chirurgical. La radiothe´rapie,

autrefois indique´e en cas d’exe´re`se chirurgicale incomple`te,

est aujourd’hui contre-indique´e de principe dans la maladie.

On la pratiquera toutefois exceptionnellement lorsque

les le´sions s’ave`rent menac¸antes d’un point de vue fonctionnel.

On re´servera les traitements les plus lourds et les

plus agressifs aux formes disse´mine´es. Il s’agira alors de

chimiothe´rapie (vinblastine…) associe´e ou non a` une corticothe

´rapie (prednisone) qui a pour but d’atte´nuer et/ou

d’espacer les pousse´es e´volutives.

Le pronostic reste variable et fonction de la se´ve´rite´ de la

maladie ainsi que d’une prise en charge pre´coce et approprie

´e, les formes osseuses uniques ayant un pronostic tre`s

favorable [1, 4, 5]. L’e´volution clinique de notre patient a e´te´

favorable. Le bilan ge´ne´ral a permis d’exclure d’autres localisations

de la maladie. Le suivi radiologique (Pet-Scan) a

montre´ la pre´sence de remaniements osseux traduisant

une gue´rison progressive de la le´sion mandibulaire [1, 5].

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire