mercredi 31 juillet 2013

La technique de vecchietti par laparoscopie pour agénésie vaginale

La technique de vecchietti par laparoscopie 
pour agénésie vaginale


Le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) désigne une aplasie utérovaginale responsable d’une aménorrhée primaire associée à une puberté normale. Cette affection rare a une fréquence de 1/4000 à 1/10000 naissances [1]. Afin de permettre une vie sexuelle, diverses techniques ont été préconisées pour créer une cavité vaginale. La plus souvent utilisée est la méthode de Frank décrite en 1938 [2], consistant en une dépression mécanique progressive de la cupule vaginale par des bougies de diamètre croissant. Une variante chirurgicale de cette technique a été rapportée par Vecchietti [3] mais impose le recours à une laparotomie. Fedele et al [4] en 1994 ont rapporté les résultats fonctionnels de la version coelioscopique de l’intervention de Vecchietti. C’est notre technique d’éléction pour le syndrome de MRKH.Le but de ce travail est de confirmer, sur une expérience de six cas, la faisabilité et les résultats immédiats et à moyen terme de cette technique.


PATIENTS ET METHODES

Six patientes présentant un syndrome de Mayer Rokitansky Küster Hauser ont été prises en charge selon la technique de Veechietti coelio-assistée à l’hôpital Aziza Othmana de Tunis entre janvier 2001 et décembre 2011.


1. PROTOCOLE OPERATOIRE

1.1 Appareillage : un dispositif de traction (figure 1), une olive (1.5 x 1 cm) (figure 1), un passe-fil légèrement courbé à son extrémité, un fil tracteur non résorbable Nylon n°2.

Figure 1 : Dispositif de traction de Vecchietti




1.2 Intervention :
Une antibioprophylaxie par cefazoline 2 g I.V. était administrée en début d’intervention. La patiente était en décubitus dorsal avec un abord mixte, abdominal et périnéal. L’intervention se déroulait sous anesthésie générale. La vessie était drainée par une sonde vésicale à demeure. L’insufflation de CO2 a été pratiquée au niveau ombilical par une aiguille de Palmer. Après l’obtention d’un pneumopéritoine et l’introduction de l’optique en trans-ombilical, deux trocarts sus-pubiens de 5 mm ont été mis en place sous contrôle de la vue. Après exploration de la cavité pelvienne repérant les uretères et confirmant le diagnostic de syndrome de Mayer « Rokitansky-Küster-Hauser» (aplasie utérovaginale, existence de deux cornes rudimentaires et de deux annexes parfaitement normales avec des ovaires fonctionnels), l’acte opératoire débute par un clivage intervésico-rectal. Une pince saisie le repli péritonéal et le met en tension facilitant son incision transversale aux ciseaux endoscopiques. Le clivage est suivi vers le bas par dissection, la vessie est progressivement refoulée en avant et le rectum en arrière. La mise en place d’une bougie métallique dans le vestibule ou dans la cupule vaginale lorsqu’elle existe, permet de guider le clivage (figures 2, 3).

Figure 2 : Mise en place d’une bougie Métallique dans la cupule vaginale




Figure 3 : clivage inter vésico-rectal



Une fois ce temps terminé, vient la mise en place de l’olive, contrairement à la technique par laparotomie, le passe-fil d’emblé chargé d’un fil non résorbable n°2 est introduit de la muqueuse vestibulaire vers le décollement intervésico-rectal sous contrôle coelioscopique (figure 4). Une pince atraumatique introduite par l’une des deux voies sus-pubiennes décharge le passe-fil qu’on retire. Le passe-fil nu est ensuite introduit en sous péritonéal par une des voies sus pubiennes, droite puis gauche. Il sera dirigé vers le bas et la partie médiane (un écueil à éviter : la proximité des vaisseaux iliaques) jusqu’au niveau de l’espace entre vessie et rectum. Le passe-fil sera chargé par l’une des extrémités du fil qu’il ramène à la paroi abdominale en rebroussant le trajet sous péritonéal préalablement crée (figure 5). Les deux chefs extériorisés à la paroi seront alors fixés au dispositif de mise en tension de Veechietti. Ce dispositif est enlevé avec l’olive entre le 7ème et le 10ème jour après des séances de serrage. Un mandrinage est gardé pendant 10 à 15 jours et les rapports sexuels sont autorisés juste après.

Figure 4 : le passe-fil d’emblé chargé d’un fil non résorbable est introduit de la muqueuse vestibulaire vers le décollement intervésicorectal



Figure 5 : Le passe-fil nu est introduit en sous péritonéal. Il sera chargé par l’une des extrémité du fil et ramèné à la paroi.





2. CRITERES D’EVALUATION

L’évaluation de cette technique comportait la détermination du temps opératoire (calculée dès l’introduction du trocart ombilical jusqu’à la fermeture cutanée des orifices de trocarts), des complications per- et postopératoires, des douleurs post opératoires (tenant compte de la dose totale d’antalgiques utilisée par la patiente depuis son passage en salle de réveil jusqu’à j1 inclus), de la longueur du néovagin (à un mois puis a 1 an), de la possibilité de rapports sexuels normaux et de l’indice de satisfaction évalué à l’aide d’une échelle visuelle analogique (échelle EVA, allant de 0 à 10 sur une réglette horizontale. 0 : très décue ; 10 : très satisfaite).

RESUlTATS

L’âge moyen des patientes au moment du diagnostic est de 23,2 ans (Extrêmes : 17 – 35 ans). La découverte de la malformation vaginale s’est faite dans 3 cas à l’occasion d’une aménorrhée primaire avec stérilité, dans 2 cas à l’occasion d’une dyspareunie et dans 1 cas de découverte fortuite. L’examen clinique à lui seul a permis une présemption diagnostique dans tous les cas en montrant une cupule vaginale dont la taille moyenne était de 2.83 cm (extrêmes : 1 à 4 cm) avec absence d’utérus chez des femmes de morphotype féminin. Le diagnostic avait été fait par une coelioscopie préalable chez toutes les patientes. La décision d’intervention était prise après discussion avec les patientes des différentes techniques possibles. Le bilan préopératoire comportait une échographie abdomino-pelvienne (dans 5 cas) et un TDM abdomino-pelvien (1 cas) à la recherche d’anomalies associées en particulier rénales. Cinq patientes avaient des reins en position eutopique et une patiente avait une agénésie rénale droite. Les résultats des différents cas sont détaillés dans le tableau 1. Aucune complication per-opératoire n’a été observée. La durée opératoire moyenne était de 77.5 min (60 à 110 min). Celle-ci était particulièrement longue chez la deuxième patiente (cas 2) qui avait déjà bénéficié d’une chirurgie par voie mixte périnéolaparotomique et dont le clivage périnéal se révéla difficile.
Cette patiente a présenté un rétrécissement secondaire ayant nécessité un débridement vaginal pratiqué deux mois après l’intervention. La quantité moyenne d’antalgiques (Paracétamol) utilisée était de : 9.83 g. La reprise du transit était effective à j2 en moyenne. La sonde urinaire était systématiquement enlevée à j2. Aucune patiente n’a présenté d’infection urinaire ou de dysurie postopératoire. La durée moyenne d’hospitalisation était de 9.8 jours. le recul moyen d’observation était de 25.3 mois. Aucune patiente n’a été perdue de vue. La longueur moyenne du néovagin mesurée à 1 mois postopératoire était de 5 cm, à 12 mois elle était de 7.5 cm.
Un mauvais résultat avec un néovagin de 4 cm à 1 an a été noté chez la patiente n°2, celle-ci ayant rompue avec son partenaire et n’a pas eu de rapports sexuels en pos-opératoire. Cinq des six patientes ont eu des rapports vaginaux réguliers (démarrés 30 j en moyenne après l’ablation de l’olive). Trois patientes sont satisfaites (avec un orgasme clitoridien dans 2 cas, un orgasme clitorido-vaginal dans 1 cas) alors que 2 patientes ont rapporté une dyspareunie. L’indice global de satisfaction était de 71.6% (tableau 1).

DISCUSSION

Les procédés à disposition pour la correction des agénésies du vagin sont innombrables. Ce qui prouve que le procédé idéal reste à trouver. Aux extrémités de l’éventail des procédés à disposition se trouvent les procédés « orthopédiques » d’une part et les colpoplasties intéstinales d’autre part. Les colpoplasties intestinales, celles en tout cas utilisant le sigmoïde, donnent des résultats anatomiques excellents et des résultats fonctionnels à la hauteur des résultats anatomiques [5].
Mais quelque soit les progrès de la chirurgie colique cette chirurgie reste une chirurgie à risque. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous tourner vers un procédé plus simple et moins dangereux, celui de l’intervention de Vecchietti. Remplacer la laparotomie par la coelioscopie c’est une façon de simplifier encore cette chirurgie. Le traitement ne peut que restaurer la perméabilité vaginale, mais la stérilité et l’aménorrhée restent définitives. De ce fait, l’intervention ne doit être proposée qu’à une jeune femme qui désire avoir régulièrement des rapports sexuels. Deux arguments plaident en faveur de cette manière de faire : le premier est d’ordre psychologique, une certaine maturité de la patiente est en effet souhaitable. L’expérience sexuelle, malgré les déboires qu’elle a pu entrainer, motivera la jeune fille. Elle lui fera mieux comprendre la nécessité de l’intervention et accepter les impératifs des soins qu’elle devra subir ensuite. Le deuxième argument est purement pratique : tout néovagin doit être utilisé régulièrement si l’on veut que le résultat se maintienne, voir s’améliore après l’intervention. En effet en l’absence de rapports sexuels réguliers, le vagin crée chirurgicalement aura tendance à se symphyser, imposant le port permanant d’un mandrin [6]. Les complications per-opératoires, à côté de celles inhérentes à la coelioscopie, sont représentées essentiellement par les lésions vésicales et rectales au cours du clivage. Ces lésions risquent d’être plus fréquentes au cours du passage à l’aveugle de l’aiguille sans clivage préalable comme ça a été décrit par certains auteurs. En revanche, la majorité des études ne rapportent pas de complications et le risque de plaie vésicale ou rectale au cours du clivage per-coelioscopique ou de l’introduction du passe-fil ne semble pas être majoré par la voie coelioscopique [7, 8]. Aucune plaie vésicale ou rectale n’a été notée chez nos patientes. La compression urétérale par les fils attachés au dispositif de traction est une complication qui surviendrait essentiellement au cours des techniques sans clivage vésico-rectal. En post opératoire, le réglage du degré de la tension des fils doit être adapté de sorte que le résultat obtenu soit satisfaisant sans risque de nécrose du fond vestibulaire.
Le risque de complications infectieuses existe toujours malgré une antibioprophylaxie (infection vaginale ou urinaire). Nous avons eu un cas de rétrécissement secondaire qui a nécessité un débridement vaginal. Comme pour l’intervention de Vecchietti classique, l’obtention d’un néovagin dans des délais rapides permet l’autorisation des rapports précocement après l’ablation du mandrin vaginal. Pour Gomez et al [9], les rapports sont possibles 3 à 4 semaines après l’ablation du mandrin vaginal. Dans notre série les rapports sont conseillés 15 jours après l’ablation de l’olive.
Les résultats anatomiques sont satisfaisants pour la majorité des auteurs, Keckstein et al [10] notent un néo-vagin de 8 à 12 cm chez ses 4 patientes. Khaler et Fatthy [11] rapportent un moins bon résultat avec une longueur vaginale de 5 à 8 cm. Nous rapportons de bons résultats anatomiques chez nos patientes avec un néo-vagin de 7 à 12 cm sauf pour la patiente ayant eu un rétrecissement secondaire et un débridement vaginal (4 cm). Ces bons résultats sont certainement en rapport avec un bon investissement du couple qui est sexuellement actif, car seuls des rapports sexuels complets et réguliers peuvent garantir le maintien de la distension de la néo-cavité [12]. Sur le plan fonctionnel, les auteurs adeptes de cette technique ne rapportent pas tous leurs résultats. Dans notre série, les résultats fonctionnels sont évaluées chez cinq patientes : trois d’entre elles sont satisfaites (avec un orgasme clitoridien dans deux cas,un orgasme clitorido-vaginal dans un cas) alors que deux patientes signalent une dyspareunie. L’indice de satisfaction était de 71.6%. Aucune étude n’a comparé toutes les techniques de plastie vaginale entre elles et la meilleur semble être celle dont le chirurgien a le plus l’habitude. Cependant, vu que la malformation est compatible avec la vie, la création d’un néovagin doit rester à notre sens une opération simple et bénigne, et toute intervention présentant des risques chirurgicaux importants doit être bien discutée avec la patiente, elle seule, bien informée des résultats et des complications décidera d’accepter ou non l’intervention qu’on lui propose.

Tableau 1 : Résultats.



Tableau 2 : Opération de Vecchietti : revue de la littérature




CONCLUSION

L’intervention de Vecchietti coelio-assistée, réponds aux différentes exigences d’une intervention plastique. Elle permet de restaurer la perméabilité vaginale permettant une vie sexuelle normale. Elle n’est pas mutilante puisqu’il n’y a pas de cicatrice ou de prélèvement de tissu ou d’organe. Son vécu est satisfaisant comme pour toute intervention coelioscopique.

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