mardi 17 septembre 2013

Des ulce´rations « douteuses » de la cavite´ buccale


Des ulce´rations « douteuses » de la cavite´ buccale
A. Wiss, R. Laurans, C. Chossegros*, P. Olivi


Observation

Monsieur G.B., aˆge´ de 42 ans, a e´te´ adresse´ a` la consultation

car il pre´sentait depuis un mois une geˆne pharynge´e de type

angine.

Les seuls ante´ce´dents notables e´taient d’ordre dermatologique

et assez re´cents : pitiriasis rose´ de Gilbert associe´ a` un

prurigo, deux e´pisodes de prurit ge´ne´ralise´ conside´re´s

comme une gale et traite´s par ivermectine (StromectolW) a`

neuf reprises en l’espace de deux mois.

L’examen clinique endobuccal retrouvait des le´sions multiples

et he´te´roge`nes avec notamment des le´sions ulce´re´es

des deux loges amygdaliennes, pre´dominant a` gauche

(fig. 1), trois ulce´rations infracentime´triques sensibles a` la

palpation situe´es a` la jonction palais dur – palais mou de

part et d’autre de la ligne me´diane (fig. 2). Enfin, le patient

pre´sentait une discre`te inflammation du frein de le`vre

supe´rieure.

La palpation cervicale mettait en e´vidence une ade´nopathie

spinale gauche indolore.




Figure 1. Aspect inflammatoire et tume´fie´ des deux loges amygdaliennes 

(fle`ches).





Figure 2. Le´sions ulce´re´es du palais (fle`ches).




Figure 3. Le´sions cutane´es sie´geant au niveau des bras.


L’examen ge´ne´ral retrouvait de manie`re concomitante des

le´sions cutane´es e´rythe´matomaculeuses au niveau des bras

(fig. 3).

A`

noter que monsieur G.B., divorce´ et sans enfants, e´tait en

cours de sevrage alcoolique.

Les examens biologiques re´alise´s jusqu’alors e´taient

normaux : he´mogramme, bilan he´patique, se´rologies VHC,

VHB, VIH 1 et 2.

Quel est votre diagnostic ?

Il s’agit d’une syphilis secondaire.

Le diagnostic a e´te´ retenu devant l’association de le´sions

polymorphes de la cavite´ buccale, avec une atteinte cutane´e

et des signes ge´ne´raux, la positivite´ des se´rologies et l’orientation

homosexuelle recueillie lors de l’interrogatoire.

En effet, les pe´ne´trations e´taient prote´ge´es mais pas les

rapports oroge´nitaux, mode de contamination le plus probable

chez ce patient et le plus probable dans le cadre de

l’e´pide´mie actuelle de syphilis chez les hommes qui ont des

rapports sexuels avec des hommes. Ve´ritable fle´au depuis la

fin du xve sie`cle jusqu’a` la seconde guerre mondiale et

l’apparition de la pe´nicilline [1], le diagnostic de syphilis

n’est plus assez e´voque´ de nos jours. Il s’agit pourtant d’une

affection en recrudescence depuis une dizaine d’anne´es,

notamment dans le milieu homosexuel, en particulier du

fait de l’absence de protection lors des rapports oroge´nitaux

[2].

Par ailleurs, il existe une forte corre´lation entre la maladie

syphilitique et l’infection par le virus de l’immunode´ficience

humaine (VIH) [3]. Non seulement la co-infection paraıˆt plus

agressive qu’une mono-infection, le VIH accroissant le nombre

et la fre´quence des ulce`res ge´nitaux, prolongeant les

phases primaire et secondaire, et pre´cipitant le stade de

neurosyphilis, mais en plus, il semblerait que la syphilis orale

favorise l’infection au VIH.

La syphilis est une maladie sexuellement transmissible cause

´e par un spiroche`te, le Treponema pallidum. La contamination

est pratiquement toujours sexuelle et directe [4]. La

cavite´ buccale est le site extrage´nital le plus commune´ment

atteint : 12 a` 14 % pour la syphilis primaire [2].

L’e´volution de la maladie se fait en trois phases : primaire,

secondaire, phase de latence, tertiaire [4].

La syphilis primaire survient apre`s une pe´riode d’incubation

d’environ 20 jours suivant la contamination. La principale

symptomatologie en est le chancre, re´alisant une

e´rosion, voire une ulce´ration classiquement indolore, avec

une induration marginale et dont la cicatrisation est

spontane´e en six a` huit semaines. Il existe une ou plusieurs

ade´nopathies satellites pouvant persister plus longtemps.

La syphilis secondaire de´bute 60 jours apre`s la contamination

et peut durer jusqu’a` trois ou quatre ans en l’absence de

traitement. C’est la phase de ge´ne´ralisation de la maladie,

commune´ment appele´e « la grande simulatrice » compte

tenu de manifestations buccales, syste´miques et cutane´es.

Les manifestations buccales de la syphilis secondaire sont

superficielles, disse´mine´es et le plus souvent douloureuses.

Elles ont une tendance spontane´e a` la cicatrisation et re´cidivent

fre´quemment.

La multitude de formes cliniques (syphilides e´rythe´mateuses,

opalines, e´rosives, papuleuses, hypertrophiques) peut

faire e´voquer a` tort un grand nombre de diagnostics diffe´-

rentiels.

Les manifestations ge´ne´rales sont marque´es le plus souvent

par un syndrome pseudogrippal. L’angine syphilitique est

fre´quente. Une micropolyade´nopathie ge´ne´ralise´e est quasi

constante.

Les manifestations cutane´es distinguent deux pe´riodes :

la premie`re floraison avec la rose´ole (macules e´rythe´mateuses

rose paˆle au niveau du tronc et la racine des membres,

respectant la face, non prurigineuses) ;

la seconde floraison avec les syphilides papuleuses

(papules infiltre´es cuivre´es atteignant principalement la

face et les re´gions palmoplantaires, non prurigineuses).

Apre`s une phase de latence asymptomatique, la syphilis

tertiaire de´bute trois a` 15 ans apre`s la contamination. Les

manifestations sont essentiellement neurologiques, cardiaques,

osseuses et cutane´omuqueuses (gommes re´alisant des

nodules hypodermiques inflammatoires indolores le plus

souvent au niveau de la face).

Le diagnostic de syphilis est essentiellement biologique [5].

Les tests re´alise´s en pratique (VDRL et TPHA), longtemps

ne´gatifs en cas de syphilis primaire, sont positifs lors de la

syphilis secondaire, avec des titres e´leve´s en anticorps (fig. 4).

Le patient pre´sente´ dans le cas clinique e´tait positif au VDRL

a` 1/16 et au TPHA a` 1/5120.

Enfin, il n’existe pas de diagnostic anatomopathologique, les

aspects histologiques e´tant variables. Le seul inte´reˆt de la

biopsie e´tant l’e´limination d’un diagnostic diffe´rentiel [6].

Le traitement recommande´ est le « traitement minute » :

benzathine-pe´nicilline (ExtencillineW), 2,4 millions d’UI en

intramusculaire [4]. C’est le traitement dont a be´ne´ficie





Figure 4. Sche´ma simplifie´ d’aide a` l’interpre´tation des se´rologies de la syphilis.

notre patient dans cette observation, favorisant la cicatrisation,

meˆme si celle-ci est en ge´ne´ral spontane´e en l’absence de traitement.

En cas d’allergie, le traitement par cyclines (VibramycineW

per os, 200 mg/j) ou macrolides (E´rythromicineW per os, 2 g/j)

pendant 15 jours est recommande´.

La re´action de Jarish-Herxheimer associant fie`vre, frissons,

malaise ge´ne´ral et e´ruption cutane´e dans les six heures

suivant l’injection de pe´nicilline est traite´e par corticothe´rapie.

Par ailleurs, une enqueˆte e´pide´miologique est ne´cessaire a` la

recherche et au traitement des partenaires sexuels potentiellement

contamine´s.

C’est la diminution significative du VDRL (baisse du titre du

VDRL de quatre fois en six mois) qui permet de suivre

l’efficacite´ du traitement.

Cependant, les se´rologies de syphilis peuvent rester positives

si le traitement est instaure´ tardivement [5].

Conflits d’inte´reˆts

Il n’y a aucun conflit d’inte´reˆt.

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