mardi 30 juillet 2013

L’imagerie (1. Explorations radiologiques)

L’imagerie
J.-F. Lapray, A. Ruffi on et J.-P. Pracros

Contrairement a la femme, limagerie de lincontinence
urinaire (IU) de lhomme a suscite
beaucoup moins detudes et de publications, du
fait de sa moindre frequence et de son etiologie
souvent iatrogene.
Apres avoir rappele les methodes dinvestigation
de limagerie du bas appareil urinaire masculin
et ses images fondamentales, nous envisagerons
successivement limagerie de lIU masculine et de
ses traitements dans les causes vesicales, les obstacles
sous-vesicaux et les insuffi sances sphincteriennes
postchirurgicales. Cette segmentation est
bien sur theorique pour les besoins de lexpose.
A cote de limagerie de luretre masculin, a lheure
actuelle encore dominee par la radiologie conventionnelle
pour letude de la miction, les explorations
en coupes (tomodensitometrie et surtout
echographie endocavitaire et IRM) voient leur
place augmenter par leur faculte dimagerie des
structures periuretrales et des organes et tissus de
voisinage. Cependant, bien que capables de voir
et parfois danalyser le sphincter strie, lechographie
et lIRM ne proposent pas encore de criteres
de routine pour defi nir en imagerie, voire predire,
linsuffi sance sphincterienne.
Le patient neurologique et lenfant, du fait de
leur specifi cite, font lobjet de sous-chapitres separes.

1. Explorations radiologiques
Quelle que soit la methode dopacifi cation choisie,
le cliche initial sans preparation, realise apres
vidange vesicale, doit montrer la zone de projection
de lensemble de lappareil urinaire, des aires
renales a la region prostatique qui se projette
quelques centimetres sous la symphyse pubienne.
Limagerie numerisee est souhaitable.

1.1. Urétro-cystographie retrograde et mictionnelle (UCRM)

1.1.1. Technique
Lexamen comporte 2 parties : 1 phase retrograde
permettant letude de luretre anterieur, tandis
que la phase mictionnelle appreciera le col vesical
et luretre posterieur. Il est contre-indique en
presence dune infection urinaire.
La video-urodynamique est traitee par ailleurs.
Phase rétrograde
Apres une asepsie du gland et du meat uretral,
une sonde de Foley (12 Ch) avec ballonnet est
introduite dans lextremite de luretre et le ballonnet,
positionne dans la fossette naviculaire, est
rempli avec 1 a 2 cc de serum physiologique pour
obtenir une occlusion complete realisee quand la
sonde ne peut plus etre delicatement mobilisee.
Lutilisation dun gel anesthesique uretral nest
pas recommandee, car elle ne supprime pas le
desagrement en fi n de remplissage du ballonnet
alors quelle favorise lexpulsion iterative de la
sonde.
Le patient, qui a vide au maximum sa vessie aux
toilettes, est en decubitus lateral oblique a 45° et la
sonde est fi xee sur la cuisse. La sonde a ete raccordee
a un ballon de perfusion sureleve contenant
250 cc de produit de contraste (a 146 mg diode/
ml) et purgee pour eviter toute bulle dair, avant
son introduction. La perfusion debute avec un
debit modeste tant que le passage vesical du produit
de contraste na pas ete obtenu en montrant
au patient le retentissement de sa relaxation pelviperineale
par la vitesse des gouttes tombant dans
le reservoir de la tubulure, et le debit est augmente
en rapport. Des fl ashs de scopie televisee
sont eff ectues de temps en temps pour verifi er
labsence dextravasation au niveau de luretre
anterieur ou dautres anomalies. Deux cliches
prenant lensemble de luretre et de la vessie sont
eff ectues successivement pendant le remplissage
qui est poursuivi jusqua obtenir un besoin manifeste
de miction par le patient, normalement
vers 400-500 cc apres perfusion dun deuxieme
ballon, mais continue au-dela en labsence de
besoin mictionnel. Une variante consiste a injecter
environ 100 cc de produit de contraste
pur et a associer a une hydratation jusquau
besoin duriner. Des cliches complementaires
sont bien sur eff ectues en fonction de la pathologie
: mobilisation du patient ou de la verge
pour derouler une stenose, iconographie dun
refl ux vesico-ureteral, etc.

Phase mictionnelle
En fi n de remplissage, apres avoir note la capacite
vesicale, un grand cliche couvrant lensemble
de lappareil urinaire (eventuel refl ux) est eff ectue
de face apres ablation de la sonde, complete par
dautres incidences en fonction des anomalies : volumineux
diverticule vesical, lacune vesicale, etc.
Les cliches mictionnels sont realises debout en
oblique a 30°, avec une main du patient tenant
lurinal par son anse et lautre membre superieur
largement ecarte du champ. Le gland doit reposer
sur lextremite de lurinal dispose dans laxe
de la verge en evitant toute elevation de lurinal
par le patient, source de fausse stenose uretrale au
contact du bord de lurinal, et toute coudure de
la verge. Des cliches a grand axe vertical couvrant
la vessie et la totalite de luretre et quelques centimetres
sous le meat uretral sont eff ectues lors
dune miction franche quil faut laisser setablir,
puis interrompre des la prise du cliche. En general,
2 poses sont eff ectuees dans la position initiale
et une 3e en oblique controlateral en inversant
la position des membres superieurs. Des cliches
complementaires sont eff ectues en fonction de la
pathologie : modifi cation de loblique pour visualiser
une stenose avec une incidence strictement
laterale, angulation cephalique du tube emetteur
de rayons X pour degager le col vesical, etc.
Un grand cliche postmictionnel en decubitus de
face, permettant dapprecier le volume du residu,
termine lexamen, apres passage aux toilettes
pour une vidange aussi complete que possible.
Le risque principal est lextravasation sous-muqueuse
de produit de contraste au niveau de
luretre anterieur marque rapidement par le drainage
veineux periuretral (corps caverneux, veine
dorsale, etc.), necessitant larret de la perfusion
et de lexamen si elle se produit au debut. Les
suites sont generalement sans consequence. Ces
extravasations sont favorisees par un etat infl ammatoire
de luretre, un traumatisme recent, ou
un obstacle avec une pression de perfusion mal
adaptee (stenose organique, contraction invincible
du sphincter strie chez le jeune). Le risque infectieux
ne necessite pas de traitement antibiotique
prophylactique en dehors de cas particuliers
(infections chroniques, examen laborieux, etc.).

1.1.2. Variantes techniques
Autres techniques d’opacifi cation rétrograde
Elles repondent au protocole precedent pour la
realisation des cliches.
Opacifi cation uretrale par mise en place dune
canule rigide a embout conique obturant luretre
juxta-meatique, reliee a une seringue de grande
capacite remplie de produit de contraste (1).
Cette methode a linconvenient, outre la necessite
de la presence permanente de loperateur et de
son irradiation, de forcer le sphincter strie avec
un risque accru dextravasation.
Auto-uretrographie (2) :
Il sagit dune variante des 2 methodes precedentes,
puisque la sonde de Foley mise en place
comme dans lUCRM est reliee a une seringue
de grande capacite, mais qui est, dans ce cas,
utilisee par le patient a qui lon demande dinjecter
doucement avec une pression continue le
produit de contraste en exercant une certaine
traction sur la verge maintenue a lhorizontale.
Elle limite les risques de douleurs et dextravasation
par la meilleure relaxation du sphincter
strie, mais ne peut sadresser quaux patients tres
cooperants.
Cas particuliers
En cas dincontinence majeure :
Il est souvent judicieux de nenlever la sonde quau
dernier moment, patient debout, tout etant pret
pour les cliches mictionnels et de demander au
patient de pincer la verge entre chaque miction.
Cette methode de compression uretrale (cliche
en miction contrariee) est aussi utilisee avec la
mise en place dune pince a verge en arriere du
gland, pour visualiser laval dune stenose en cas
de cystographie descendante isolee (1).
Chez les patients neurologiques ou a mobilite
reduite :
Les cliches mictionnels peuvent etre eff ectues en
decubitus lateral oblique.
La miction peut etre initiee dans certains cas par

la percussion sus-pubienne ou linjection dun
produit de contraste rafraichi.

1.2. Cysto-urétrographie descendante
La realisation des cliches est identique a cellede
la 2e partie de lUCRM a partir du cliche en repletion
vesicale jusquau cliche postmictionnel.
Linformation apportee par les cliches duretrographie
retrograde est bien sur absente.

1.2.1. Urographie intraveineuse (UIV)
Lopacifi cation vesicale est obtenue par linjection
intraveineuse de produit de contraste qui
a permis letude du haut appareil, et necessite,
outre les habituelles contre-indications (allergie),
une fonction renale normale permettant linjection
dune dose elevee de produit de contraste
(2 ml/kg dun produit a 38 % diode injectes en
2 temps) et un residu postmictionnel qui ne soit
pas majeur. Elle necessite, dautre part, une attente
prolongee, environ 2 heures ou plus apres
linjection, diminuee par un apport hydrique en
veillant a ne pas provoquer une dilution trop importante.
En fait, la diminution majeure des indications de
lUIV sous la poussee des scanners et urocanners
a tres largement reduit la realisation de cette methode,
qui etait reine jusqua il y a une vingtaine
dannees, avant la diff usion des explorations en
coupes.
La realisation de cliches mictionnels apres scanner
ou uroscanner se heurte a plusieurs ecueils
dont le principal est la dilution du produit de
contraste vesical (qui est majeure en cas duroscanner
avec apport hydrique et/ou injection de
diuretiques).

1.2.2. Cystographie par cathétérisme
Elle est surtout utilisee chez lenfant du fait du risque
de fausse-route et dinfection chez ladulte.
Par contre, elle est eff ectuee facilement lorsque
le patient est porteur dune sonde vesicale (apres
chirurgie vesicale ou uretro-prostatique, cystographie
de desondage). Une perfusion de produit
de contraste par la sonde, avec les precautions anti-
infectieuses habituelles, est realisee jusqua la
repletion vesicale. Puis la sonde est enlevee et les
cliches sont eff ectues comme lors de la 2e partie
de lUCRM. Du fait dune miction souvent
explosive, et breve, en rapport avec une vessie a
la capacite generalement limitee, il est prudent
de nenlever la sonde quau dernier moment en
position debout (cf. 1.2.).
Lorsque la sonde est sus-pubienne (cystocath), la
repletion vesicale de produit de contraste est eff ectuee
apres vidange vesicale, la sonde etant clampee
avant la realisation des cliches mictionnels.

1.2.3. Cysto-urétrographie sus-pubienne
Sur une vessie pleine et distendue, verifi ee sur le
cliche sans preparation (eventuellement en echographie),
une ponction verticale est eff ectuee
environ 2 a 3 cm au-dessus de la symphyse pubienne,
avec une aiguille (18G) dont le mandrin
metallique est retire quand jaillit lurine et remplace
par un guide a extremite souple (0,35) sur
lequel est glisse un catheter qui senroule dans la
cavite vesicale, selon la methode de Seldinger. La
bonne position du catheter est verifi ee par linjection
de quelques cc de produit de contraste
et poursuivie (par perfusion ou a la seringue)
jusqua la quantite durines qui a ete evacuee
prealablement apres la mise en place du catheter.
Cette derniere peut seff ectuer sous echographie.
La methode nest pas exempte dincidents (echec
de catheterisme, extravasation intramurale ou extravesicale,
urinome, etc.) (1).

1.3. Résultats normaux
1.3.1. Le cliché sans préparation
Lanalyse recherche des lithiases sur lensemble de
lappareil urinaire, des anomalies rachidiennes,
un encombrement colique anormal.

1.3.2. La vessie
La capacite vesicale doit etre soigneusement notee,
ainsi que les symptomes conduisant a interrompre
la repletion avant une capacite de 400 a
500 cc (besoins imperieux, douleurs, contractions

vesicales spontanees, etc.). La paroi est normalement
reguliere et son epaississement est visible
par lepaisseur du lisere parietal. Lanalyse porte
sur la recherche dune paroi de lutte, dimages
daddition (diverticules) ou au contraire dimages
lacunaires mobiles (lithiases) ou fi xes (polypes ou
tumeur), dun refl ux vesico-ureteral, de laspect
du col au repos et en miction. Les cliches en repletion
vesicale et postmictionnel couvrent aussi
les reins (verifi cation dune impregnation des cavites
renales temoignant dun refl ux inapercu lors
du remplissage ou de la miction).

1.3.3. L’urètre
Luretre masculin, denviron 18 a 20 cm de
longueur, est divise en uretre posterieur, qui
comprend luretre prostatique et luretre membraneux,
et en uretre anterieur (ou spongieux)
parfois divise en uretre bulbaire et penien (3),
avec une portion fi xe et une autre mobile.
Luretre, dont le calibre est variable, presente lors
de la miction 3 segments plus larges : segment
prostatique, cul-de-sac bulbaire et fossette naviculaire
retromeatique et 3 zones moins expansives
: lorifi ce superieur de luretre prostatique,
luretre membraneux et le meat.
Luretre anterieur est au mieux apprecie par les
cliches retrogrades de lUCRM, tandis que luretre
posterieur ne peut sanalyser que sur les cliches
mictionnels.
L’urètre antérieur
Sur les cliches retrogrades de la 1re phase de
lUCRM, il existe une distension artifi cielle de
luretre anterieur, liee au relachement incomplet
du sphincter strie (fi g. 1). Cette distension permet
de detecter une stenose moderee qui ne serait
pas evidente sur les cliches mictionnels, en
particulier sil existe un obstacle damont (hyperplasie
benigne de la prostate (HBP) en particulier).
Le calibre de luretre anterieur se reduit
brusquement en devenant fi liforme en amont du
cul-de-sac bulbaire, ou se marque parfois lempreinte
du muscle bulbo-caverneux et ou samorce
une direction verticale vers luretre membraneux
(1). Luretre posterieur est generalement


Fig. 1 - UCRM normale.
(A) Cliché rétrograde montrant la distension de l’urètre antérieur
en amont de l’obstacle du sphincter strié et le début de
l’opacifi cation de la vessie.
(B) Cliché mictionnel qui objective une ouverture normale du
col vésical, l’absence d’allongement de l’urètre sus-montanal
(empreinte du veru montanum: tête de fl èche), puis l’empreinte
du sphincter strié et l’urètre membraneux (fl èche) avant
l’élargissement du calibre au niveau de l’urètre bulbaire.


fi liforme du fait de lobstacle du sphincter strie,
mais montre generalement bien lallongement
de luretre prostatique en cas dHBP et la saillie
eventuelle de la levre posterieure du col vesical en
cas dhypertrophie du lobe median.
L’urètre postérieur
Il sanalyse sur les cliches mictionnels (fi g. 1).
Lextremite inferieure du col vesical ouvert marque
lorifi ce superieur plus etroit de luretre
prostatique, fusiforme, ou se dessine a sa partie
moyenne limage lacunaire a grand axe vertical,
correspondant a la saillie du veru montanum,
prolongee par les replis muqueux parfois visibles.
La saillie du veru montanum permet de diff erencier
luretre sus-montanal, denviron 15 mm chez
ladulte jeune, et allonge en cas dHBP, de luretre
sous-montanal. Lui fait suite luretre membraneux
court et etroit auquel succede le cul-de-sac
bulbaire marquant le debut de luretre anterieur.
Luretre anterieur, moins distendu que sur les cliches
retrogrades, presente des bords paralleles en
dehors des 2 zones plus larges que sont le culde-
sac bulbaire au debut et la fossette naviculaire
retromeatique a son extremite distale.
Les glandes se drainant dans luretre ne sont nor-
malement pas opacifi ees : glandes prostatiques
avec de nombreux orifi ces au voisinage du veru
montanum, glandes de Cowper sabouchant au
niveau de la paroi inferieure du cul-de-sac bulbaire,
glandes de Littre sur la face dorsale de
luretre anterieur. Leur opacifi cation est en faveur
de phenomenes infl ammatoires. Lopacifi cation
diff use des glandes prostatiques peut sobserver
apres une resection prostatique transuretrale.

1.4. Irradiation
Lirradiation dune UCRM peut etre estimee a
environ 1 mSv. Cette irradiation est directe sur
les gonades et implique labstention de tout cliche
inutile ou non informatif.

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