Un nidus douloureux
A painful nidus
Une patiente de 33 ans, sans ante´ce´dent pathologique
particulier, a consulte´ pour une douleur mentonnie`re.
L’anamne`se retrouvait une douleur persistante du menton
irradiant vers l’oreille gauche, e´voluant depuis deux ans.
Cette douleur a` pre´dominance nocturne e´tait calme´e par la
prise de 1 g d’aspirine. L’examen clinique objectivait une
douleur a` la pression symphysaire sur son versant lingual. La
muqueuse e´tait intacte sans signes inflammatoires ni fistule.
Le test de vitalite´ dentaire de toutes les dents de la
re´gion symphysaire e´tait normal. L’interrogatoire et
l’examen clinique ge´ne´ral n’ont pas re´ve´le´ d’autre pathologie.
La radiographie panoramique dentaire ne mettait pas en
e´vidence de le´sion.
Le scanner re´ve´lait une petite image hyperdense, he´te´roge`ne
avec un lisere´ pe´riphe´rique hypodense, appendu a` la corticale
poste´ro-infe´rieure de la re´gion parasymphysaire gauche
(fig. 1 et 2), mesurant 7,5 par 4,5 mm.
La scintigraphie montrait un foyer intense d’hyperfixation
Figure 1. Image scannographique de la le´sion en coupes axiale et sagittale.
Figure 2. Image scannographique de la le´sion en trois dimensions montrant le nidus sur le versant lingual de la symphyse mandibulaire.
Quel est votre diagnostic ?
Re´ponse
Il s’agissait d’un oste´ome oste´oı¨de
La confirmation a e´te´ obtenue par l’e´tude histologique apre`s
l’exe´re`se chirurgicale par voie cutane´e. Les suites ope´ratoires
ont e´te´ marque´es par un he´matome du plancher buccal qui
s’est amende´ progressivement, les douleurs ont disparu, et
aucune re´cidive n’a e´te´ note´e.
L’oste´ome oste´oı ¨de est une tumeur de la ligne´e oste´oblastique,
conside´re´e comme be´nigne, mais tre`s douloureuse.
Elle touche pre´fe´rentiellement l’adolescent et l’adulte jeune
de sexe masculin et peut atteindre tous les os, avec une
pre´dominance pour les os longs [1].
La localisation mandibulaire est beaucoup plus rare, peu
rapporte´e (dix localisations maxillomandibulaires dans la
litte´rature anglaise) [2]. Son incidence est de 2 a` 3 % de
l’ensemble des tumeurs osseuses toutes localisations
confondues [1]. Jones et al. [2] rapportent que les premiers
cas ont e´te´ de´crits par Jaffe en 1935.
Il s’agit d’une le´sion de forme arrondie, toujours infe´rieure a`
2 cm, constitue´e d’un nidus radioclair entoure´ d’une zone de
radioscle´rose. La douleur provoque´e par cette tumeur
be´nigne justifie l’intervention. Par ailleurs, elle peut conduire
a` des de´formations morphologiques de l’os atteint et/ou a`
des synovites [3].
La triade clinique pathognomonique [3] comporte une douleur
persistante, a` pre´dominance nocturne, d’installation
insidieuse, re´pondant a` l’aspirine ou aux anti-inflammatoires
non ste´roı ¨diens ; une oste´ocondensation avec ou sans nidus
radiologique sur la radiographie standard, (ou nidus avec
oste´ocondensation pe´riphe´rique) et une hyperfixation scintigraphique
au temps vasculaire pre´coce.
Il ne faut pas confondre cette tumeur avec l’oste´oblastome
ou oste´ome oste´oı ¨de ge´ant, qui est moins douloureux et plus
volumineux (taille supe´rieure a` 2 cm) [1,2].
Des cas de gue´rison spontane´e ont e´te´ rarement de´crits ne
survenant qu’au bout de nombreuses anne´es d’e´volution
de sorte que l’abstention the´rapeutique n’est pas envisageable [3].
Le traitement de re´fe´rence est la chirurgie a` ciel ouvert.
L’exe´re`se du nidus, qui repre´sente la partie tumorale de la
le´sion, conduit a` une gue´rison de´finitive [1].
La difficulte´ majeure re´side dans le repe´rage perope´ratoire,
qui conduit parfois a` pratiquer une exe´re`se e´largie. Le
scanner est la me´thode de choix pour le diagnostic et
l’e´valuation du nidus et c’est pourquoi le radioguidage scannographique
a e´te´ envisage´ comme une technique d’assistance
au geste chirurgical [4]. D’autres techniques
chirurgicales ont e´te´ de´crites : re´section par voie percutane´e
ou extraction me´canique ( a` la tre´phine, au trocard) et
destruction par voie transcutane´e ou thermique (par photocoagulation
laser, par radiofre´quence) [4]. Toutefois ces
techniques seraient plus indique´es pour les oste´omes
oste´oı¨des de sie`ge verte´bral et du membre infe´rieur [4],
aucune expe´rience n’a e´te´ rapporte´e sur des localisations
maxillofaciales.
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