Etude prospective de la relation entre anomalie du rythme cardiaque foetale, ph ombilical du cordon et apgar à la naissance
Kais Chaabane, Sahbi Kebaili, M Sallem, K Trigui, Nabil Mathlouthi, Fatma Zouazi, Dolira Louati, M Guermazi
La souffrance foetale aiguë se traduit d'abord par une hypoxémie, puis par une hypoxie et enfin par une asphyxie intéressant la majorité des organes y compris les organes nobles tels que le cerveau. La plupart des paramètres dont nous disposons ont une bonne sensibilité et une faible spécificité, à l'exemple du rythme cardiaque foetal (RCF). C'est pourquoi, on utilise le RCF pour sa valeur prédictive négative et sa sensibilité, et dès lors qu'apparaissent des anomalies, on est souvent amené soit à prendre des décisions d’extraction foetale immédiate ou avoir recours à des pratiques obstétricales correctives du RCF.
L'objectif de cette étude était de rechercher une relation entre les différents aspects RCF survenant au cours du travail, le score d’apgar à la 1ère mn et le pH ombilical à la naissance, afin d’améliorer la prédiction de la souffrance néonatale selon les moyens qu’on possède dans une maternité d’un pays en voie de développement.
PATIENTS ET METHODES
Il s’agit d’une étude prospective qui a concerné 170 grossesses mono-foetales entre 37SA et 42SA colligés au service de gynécologie et d’obstétrique Hédi Chaker de Sfax entre 1 janvier 2011 et 30 juin 2011. Les femmes ont été admises à la salle d’accouchements. Le travail a été surveillé dans tous les cas par des ERCF intermittents. Le clampage du cordon étant réalisé avant la première inspiration du nouveau né [1]. Le prélèvement artériel du sang du cordon ombilical a été fait rapidement après l’accouchement et acheminé au laboratoire (environ 5 mn après le clampage du cordon).
RESULTATS
Toutes les parturientes étaient en travail. Il était spontané dans 80% des cas et il a été déclenché dans 20% des cas. L’accouchement était par voie basse chez 68 femmes soit 40% des cas. Une césarienne a été indiquée dans 60% des cas, dans différentes phases du travail. L’anesthésie générale a été indiquée dans 31, 7% des cas alors que 68,3% des femmes ont bénéficié d’une rachi anesthésie. La surveillance a été rapprochée en cas de travail à haut risque (dépassement de terme, travail déclenché, hypotrophie foetal, la connaissance d’anomalie funiculaire…) et a été espacé dans le cas contraire.
Nous avons distingué plusieurs types d’enregistrement du rythme cardiaque foetal : Dip 1 (17.6%), Dip2 (12.9%), décélérations variables (30.6%), bradycardie foetale (23.5%) et normal (9.4%). Le liquide amniotique était clair dans 55.3% des cas, méconial dans 14.1% des cas et teinté dans 29.4% des cas. Un prélèvement artériel du cordon ombilical a été réalisé chez tous les nouveaux nés après clampage du cordon et a été acheminé au laboratoire dans le plus bref délai. L’acidose était définit par un PH <7.15 [2]. Il était pathologique dans 41.2% des cas. Le score d’apgar à la 1ère minute était évalué par le néonatologue présent à la salle d’accouchement. Dans notre population, 14.1% des bébés avaient un apgar à la 1ère minute inférieure à 7 alors que 41.1% du nouveau né ne présentaient pas une acidose foetale. En fait, 25.7% des nouveau né ayant un Apgar à la 1ére minute inférieur à 7 avaient Ph artériel ombilical <7.15. La différence était significative (p=0.02) (Tableau 1). En étudiant la corrélation entre le score d’Apgar à la 1ére minute et le Ph artériel ombilical, on a constaté que lorsque Apgar était inférieur à 7, le PH était <7.15 dans 18 cas (75% des cas ou score Apgar était inférieur à 7) et lorsque APGAR était ≥ 7, le PH était ≥7.15 dans 94 cas (64,4% des cas ou score Apgar était supérieur à 7). Alors que, en cas d’acidose néonatale, le score d’APGAR était ≥ 7 dans 52 cas (74,3% des cas ou le PH était <7.15). Ainsi dans notre étude, le score d’APGAR n’a pas prédit la présence d’acidose ombilicale (Tableau 1). En étudiant les corrélations entre les différents tracés de RCF et le Ph artériel ombilical, l’acidose a été trouvée:
• En cas de bradycardie foetal, chez 24 nouveaux nés, soit 60% des cas et la différence était significative (p=0.008).
• En cas de décélérations DIP I, chez 12 nouveaux nés, soit 40% des cas et la différence était significative (p=0.05).
• En cas de décélérations DIP II, chez 10 nouveaux nés, soit 45,4% des cas et la différence était significative (p=0.04).
• En cas de décélérations variables, chez 24 nouveaux nés, soit 46,1% des cas et la différence était significative (p=0.03).
Le pH ombilical était le plus bas en cas de bradycardie foetal avec une moyenne de 7.008(p=0.000 .Un score d’apgar à la 1ère mn <à 7 a été retrouvé dans 20%.(p=ns) (Tableau 2).
Tableau 1 : Corrélation entre l’Apgar à la 1ère min et acidose foetale
Tous les ERCF avaient une corrélation significative avec un pH ombilical pathologique. En étudiant les corrélations entre les différents tracés de RCF et le score d’APGAR à la 1ère minute qui était inférieure à 7 :
• En cas de bradycardie foetal, chez 8 nouveaux nés, soit 20% des cas et la différence était non significative.
• En cas de décélérations DIP I, chez 4 nouveaux nés, soit 13,3% des cas et la différence était non significative.
• En cas de décélérations DIP II, chez 4 nouveaux nés, soit 18,2% des cas et la différence était non significative.
• En cas de décélérations variables, chez 6 nouveaux nés, soit 11,5% des cas et la différence était non significative.
La césarienne était la voie élective d’accouchement sauf pour les Dip1 (p=ns). L’apgar à la 1ére mn n’était pas différents dans les différents types.
DISCUSSION
Le diagnostic d’acidose métabolique est nécessaire pour affirmer la décompensation des moyens de défense contre l’hypoxie per-partum du foetus, l’analyse du rythme cardiaque foetal seul entraînant trop de faux positifs. Les mesures au cordon sont le reflet des évènements précédant la naissance. Elles permettent de mieux comprendre la physiopathologie et l’étiologie de l’hypoxie foetale [3], d’évaluer rétrospectivement son action, d’améliorer son analyse du rythme cardiaque foetal, de contribuer à la prise en charge néonatale et d’appréhender le devenir de l’enfant en association avec son état clinique [1, 4].
Les ralentissements variables sont les décélérations les plus fréquemment rencontrées. Le risque d’acidose foetale est moindre que pour les ralentissements tardifs ou Dip2 [5-7]. La sévérité de ces ralentissements (nadir inférieur à 70 bpm et/ou durée supérieure à 60 secondes) augmente le risque d’acidose foetale et d’issue défavorable (11 % des cas) [5, 7-9] .Dans notre étude, 46.1% des décélérations variables ont été accompagné d’acidose foetale (p=0.03). L’Apgar à la 1ère min était inférieur à 7 dans 11.5% (p=ns). Il existe une corrélation significative entre les ralentissements tardifs ou Dip2 et acidose foetale (entre34% et 56%), même si les seuils de pH à l’artère ombilicale ne sont pas identiques dans les différentes séries [5, 10, 11].Dans notre série, 45.4% des tracés Dip2 étaient corrélés à une acidose ombilicale (p=0.04). La bradycardie sévère (inférieure à 100 bpm) était associée à une acidose à l’artère ombilicale entre 18 % et 78 % des cas [12]. Dans notre série, 60% des bradycardies foetales étaient associés à une acidose foetale. (p=0.008). D’autre part, notre enquête a révélé une corrélation significative entre le score d'Apgar et le pH de l'artère ombilical de l'enfant à l'accouchement. Hoffmann et al [13], dans une étude menée sur 2778 accouchements ont trouvé que 61% des nouveau né ayant un apgar ≤7 presentaient un pH ombilical >7.15 (p<0.05).Plusieurs auteurs recommandent de réévaluer l’intérêt du score d’apgar comme indice d’asphyxie périnatal [13-15].
Tableau 2 : Corrélations entre les différents tracés de RCF, apgar 1ère min et acidose foetale
CONCLUSION
L'enregistrement du rythme cardiaque foetal, bien que sophistiqué, reste un examen limité pour juger l'état exact du foetus. Il a une bonne valeur prédictive négative mais il reste un examen peu spécifique. La combinaison avec d'autres techniques permet de mieux apprécier l'état foetal. Parmi ces techniques, la mesure du pH au scalp, l’ECG foetal, l'oxymétrie du pouls foetal et le dosage des lactates au scalp qui peuvent être à l'avenir des moyens simples pour affirmer l'état d'hypoxie et d'acidose foetal et de réduire par conséquent le taux des césariennes.
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