mercredi 18 septembre 2013

Lésion blanche de la muqueuse buccale


Lésion blanche de la muqueuse buccale
White plaque of oral mucosa

Observation du cas

Une femme âgée de 68 ans était suivie en stomatologie

depuis plus de 35 ans pour lésions gingivales chroniques. Plusieurs

extractions dentaires avaient été alors pratiquées.

L’anamnèse retrouvait la notion de lésions gingivales blanchâtres

lentement extensives, occasionnant une gêne à

l’alimentation, pour lesquelles elle avait rec¸u des traitements

symptomatiques sans aucune amélioration. La

patiente ne présentait pas d’antécédents pathologiques

notables, en particulier il n’y avait pas de notion de tabagisme.

L’examen de la cavité buccale relevait des lésions

blanchâtres verruqueuses, confluant en plaques à bords irréguliers,

atteignant de fac¸on diffuse la région antérieure de

la gencive inférieure et la face interne de la lèvre inférieure

jusqu’aux prémolaires (Fig. 1). Il n’y avait pas d’infiltration.

La langue et le palais étaient indemnes de toute lésion. Le

reste de l’examen cutanéo-muqueux était normal, en particulier

il n’y avait pas d’adénopathies cervicales


Hypothèses du comité de rédaction

Les hypothèses du comité de rédaction ont été :

• un hamartome spongieux muqueux (white sponge naevus)

• une leucokératose acquise traumatique ;

• un lichen plan.

Commentaires

Notre patiente présente des lésions buccales chroniques,

résistantes à tous les traitements proposés. L’examen

retrouvait des plaques blanches à surface irrégulière de la

muqueuse gingivale et du versant muqueux de la lèvre inférieure.

Devant ce tableau clinique, les principaux diagnostics à

évoquer sont les leucokératoses acquises, comme les candidoses,

le lichen plan et les leucoplasies. Mais il n’y avait dans

cette observation aucun argument clinique ou paraclinique

permettant de retenir ces hypothèses.

L’interrogatoire ne retrouvait pas de notion de tabagisme

ou de déficit immunitaire acquis ou congénital et la

patiente rapportait l’échec de multiples traitements antifongiques

locaux et systémiques correctement conduits. Par

ailleurs, le grattage avec l’abaisse langue permettait de

détacher difficilement des grands lambeaux laissant apparaître

une muqueuse saine non érosive, pouvant éliminer une

lésion pseudomembraneuse (celle-ci se détache facilement

et laisse découvrir une érosion) et une leucokératose (qui ne

disparaît pas au grattage). L’examen clinique ne retrouvait

pas d’autres lésions cutanéomuqueuses. Les prélèvements

mycologiques étaient négatifs.

Bien qu’il s’agisse d’une patiente de 68 ans, on peut

également évoquer devant ce tableau les dyskératoses

congénitales et le diagnostic d’hamartome muqueux spongieux

(white sponge naevus) a été retenu, devant l’aspect

histologique, montrant une muqueuse buccale revêtue par

un épithélium malpighien acanthosique, papillomateux,

hyperkératosique avec des images de dyskératose monocellulaire.

Les cellules du corps muqueux étaient clarifiées

Figure 2. pithelium acanthosique, papillomateux, avec dyskératose.

par un oedème marqué intra- et intercellulaire (Fig. 2).

L’immunofluorescence directe était négative.

La patiente a été traitée par cyclines par voie orale avec

une évolution partiellement favorable au bout de six mois

de traitement (Fig. 3).

Le white sponge naevus est une dyskératose congénitale

bénigne rare, autosomique dominante à pénétrance

et expressivité variable [1]. Il n’y a pas de prédilection

de sexe ni d’ethnie. Elle est causée par les mutations des

gènes exprimant les kératines suprabasales K4 et K13 [2—4].

Quelques cas sporadiques ont été décrits, comme c’est le

cas de notre patiente qui ne rapportait pas de cas familiaux.

Aucun facteur étiologique n’est retrouvé dans ce tableau

(ni traumatique, ni tabagique, ni infectieux). Les poussées

pourraient être déclenchées par la surinfection bactérienne [5].

La lésion apparaît dès la naissance ou la première

enfance et augmente progressivement de taille jusqu’à

l’adolescence. Notre patiente rapporte une évolution lente,

depuis l’âge de 38 ans. Un début plus précoce est probable

mais méconnu par la patiente.

L’atteinte est souvent diffuse avec des plaques blanches,

à surface irrégulière, de consistance molle [1]. L’épaisseur

et la taille des plaques sont variables d’un sujet à l’autre et

peuvent varier dans le temps chez le même individu. Elles

siègent de préférence sur les muqueuses jugales, la langue,

les vestibules, le palais et le plancher buccal. Les autres

muqueuses (nasale, anale et vaginale) peuvent être affectée

s [1,6]. Il n’y a pas d’atteinte cutanée [1,7].

L’histologie reste un élément clé du diagnostic [7,8]. Elle

montre un épaississement de l’épithélium, une spongiose du

stratum spinosum, un défaut de kératinisation en surface et

une parakératose dans les couches les plus profondes. La

microscopie électronique est contributive dans les cas douteux,

montrant une répartition inégale des tonofilaments

dans le cytoplasme des kératinocytes [1,7].

Les autres dyskératoses congénitales comme la pachyonychie

congénitale (syndrome de Jadassohn-

Lewandowski), la dyskératose congénitale (syndrome

de Zinsser-Cole-Engman), la maladie de Darier peuvent

poser un problème de diagnostic différentiel [8].


L’évolution est chronique sans transformation en carcinome.

Aucun traitement n’est habituellement indiqué,

mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de

l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été

proposés avec un effet suspensif. Les tétracyclines en bains

de bouche [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur

efficacité dans quelques cas au moment des poussés comme

chez notre patiente.

Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen

histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion

précancéreuse et poser le diagnostic positif.




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