mercredi 18 septembre 2013

Présentation inhabituelle d’une pathologie courante


Présentation inhabituelle d’une pathologie courante
I. Loeb, M. Shahla


un patient âgé de 80 ans, d’origine marocaine, est

admis dans le département de chirurgie maxillofaciale,

pour des lésions faciales et buccales très douloureuses,

évoluant depuis environ une semaine.

La biologie exprime un syndrome inflammatoire.

L’examen clinique montre la présence d’un érythème hémifacial

droit recouvert de lésions de type « vésicules » à différents stades

d’évolution (fig. 1). Ces lésions évoluent sur l’ensemble du territoire

du nerf trijumeau droit, à savoir : les régions temporale, sousorbitaire,

pré-auriculaire, paranasale et commissurale, les hémilèvres

supérieure et inférieure avec la région mentonnière, l’hémipalais,

la joue et l’hémi-langue droits (fig. 2 et 3). Le conduit auditif

externe est respecté ainsi que la paupière supérieure. On note

également la présence d’adénopathies cervicales unilatérales.

Dans les antécédents de ce patient on retrouve une bronchopneumopathie

chronique obstructive, un diabète insulinodépendant

équilibré, une cardiomyopathie ischémique et un

syndrome du tako-tsubo.



Figure 1. Patient vu de profil. 
Figure 2. Lésions hémi-langue droite. 
Figure 3. Lésions palais et joue droits.


Quel est votre diagnostic ?

Réponse

Il s’agit d’un zona du nerf trijumeau entreprenant ses trois

branches.

Le nerf trijumeau, sensitivo-moteur, anime les muscles de la

mastication et donne la sensibilité à la face, l’orbite, les fosses

nasales et la cavité buccale. Les fibres sensitives prennent naissance

dans le ganglion de Gasser.

Le nerf trijumeau se compose de trois branches : ophtalmique,

maxillaire supérieur et mandibulaire. C’est la branche ophtalmique

qui est la plus fréquemment atteinte en cas de zona. S’il

est habituel de retrouver une atteinte zostérienne trigéminale

d’une ou deux branches du nerf, l’atteinte simultanée des trois

branches est exceptionnelle.

Le zona est une infection localisée, unilatérale, due à la réactivation

du virus de la varicelle, « varicelle-zoster » (VZ), virus à

DNA [1]. Cette affection se rencontre plus fréquemment chez

les sujets âgés ou immunodéprimés, sans prédilection de sexe

ou de race.

L’éruption vésiculeuse est habituellement précédée de douleurs,

parfois intenses, allant d’un simple prurit à de véritables

sensations de brûlures. Le patient se plaint parfois avant

l’apparition des lésions cutanéo-muqueuses, de paresthésies

ou hyperesthésies dans le territoire du dermatome concerné.

Les signes généraux accompagnateurs sont peu fréquents :

malaise, céphalées ou encore pyrexie [2].

Les adénopathies réactionnelles unilatérales sont habituelles.

Les vésicules apparaissent le plus souvent groupées et évoluent

sur un fond érythémateux. Elles se rompent au bout

d’une dizaine d’heures, et laissent la place à une petite ulcération

rapidement recouverte d’une croûte qui peut persister

plusieurs semaines. De nouvelles vésicules peuvent apparaître

pendant plusieurs jours ce qui explique le tableau clinique

classique de lésions cutanéo-muqueuses à différents stades

d’évolution.

Le diagnostic, principalement clinique, peut être confirmé

par l’isolement du virus à partir des fluides des vésicules (culture

ou immunofluorescence) ou encore par des tests sérologiques.

Le diagnostic différentiel, difficile en phase pré-éruptive, se

pose lors de l’éruption avec une infection bactérienne (impétigo),

un herpès zostériforme, une dermatite de contact ou

encore une brûlure.

La pathogénie de cette affection n’est pas encore complètement

élucidée. Au cours de l’épisode de varicelle (primo-infection),

le virus « varicella-zoster » (VZ) présent en grande

quantité dans les lésions cutanéo-muqueuses progresse de

manière centripète vers le ganglion où il reste latent [3]. Sa

réactivation est relativement rare et sporadique, mais peut

parfois correspondre à certaines situations telles que : la prise

d’immunosuppresseurs ou de corticoïdes, l’existence d’une

néoplasie, d’un traumatisme local…

Le traitement habituel dont a, par ailleurs, bénéficié notre

patient consiste en l’administration d’acyclovir (Zovirax• )

3 x 500mg/jour en IV lente, de paracétamol (Perfusalgan• )

3 x 1 g/jour en IV, de gabapentine (Neurontin•) 3 x 300 mg

per os, et d’un complexe vitaminé B1-2-6-12 (Befacte forte• )

3 comp./jour [4].

La complication majeure du zona est la névralgie post-zostérienne,

souvent accompagnée d’hypoesthésie du territoire

atteint. Elle se retrouve dans 10 à 15 % des cas, apparaît après la

disparition des croûtes et peut persister plusieurs mois. Son

incidence augmente avec l’âge et elle est relativement rebelle

aux traitements classiques.

En cas de zona ophtalmique on peut observer des complications

plus spécifiques telles que des ulcérations cornéennes,

des rétractions palpébrales, une ptose paralytique, une névrite

optique…




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