mercredi 18 septembre 2013

Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible

Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible
Multiple target-shaped periapical lesions


Une femme caucasienne, de 41 ans, consulte en

chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son

dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibulaire

ferme et indolore en regard des dents 46–47, de

de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.

Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses

masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotransparent.

Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. Il

n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3. Les

examens biologiques standards sont normaux, y compris

les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie

sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´fie´e

pose le diagnostic de le´sion fibro-osseuse sans plus de

pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions

mandibulaires pe´ri-apicales multiples pre´dominant

dans les territoires molaires, avec une pre´servation de

l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire

(fig. 1).


Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire 
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques. 
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout 
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en capuchon des apex molaires.


Re´ponse

Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`-

nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type

dysplasie ce´mento-ossifiante (DCO). Un suivi clinique exclusif

est de´cide´.

Les le´sions fibro-osseuses des maxillaires regroupent la dysplasie

fibreuse, les fibromes ossifiants (anciennement appele

´s fibromes ce´mento-ossifiants) et les dysplasies osseuses

(ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO floride.

Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le fibrome ossifiant

(ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois difficile. Dans notre cas,

les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives [1] et

des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par

la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr –

et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation

radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multiples

en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo

radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est

retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection [2]. Cependant,

l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la

pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes originaires

d’Afrique noire.

L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs affirment

qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´riodontal

[3], comme en te´moigne sa localisation quasi exclusive

en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de

DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est atteste 
´e [2]. Cette donne´e permet uniquement d’affirmer que la

DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.

Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et

l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.

Kawai et al. [2] de´finissent six pre´sentations radiologiques

selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair

ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex,

ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire. En

revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai

et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la

gene`se de la pathologie.

Les classifications successives de l’OMS consacre´es aux

tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO

dans la cate´gorie des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien

avec l’appareil odontoge´nique » [4], puis dans le groupe des

« ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’os » [5]. La

dernie`re classification de l’OMS la range dans le groupe des

« dysplasies osseuses » et lui attribue une origine ligamentaire [6].

Dans le cas pre´sente´ ici, l’espace ligamentaire pe´riodontal

des dents affecte´es e´tait pre´serve´ sur tout le pe´rime`tre

radiculaire (fig. 1), ce qui serait en faveur d’une origine

me´dullaire. Il existe en effet des tumeurs extramaxillaires

pouvant produire du ce´ment [7]. La formation de ce´ment par

l’os me´dullaire pe´riapical n’est pas de´montre´e et la persistance

de l’espace ligamentaire pe´riodontal peut eˆtre le

re´sultat d’une migration des ce´mentoblastes vers l’os via

les canaux de Volkmann [2] ou la conse´quence de troubles de

la diffe´rentiation entre oste´o- et ce´mentoblastes.

La production de ce´ment par l’os me´dullaire serait un cas

inte´ressant d’anomalie de signalisation entre oste´oblastes et

ce´mentoblastes. L’e´lucidation des me´canismes a` l’origine de

la DCO permettrait de mieux comprendre l’activite´ physiologique

du ligament pe´riodontal et ses interactions avec les

structures environnantes.




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