Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible
Multiple target-shaped periapical lesions
Une femme caucasienne, de 41 ans, consulte en
chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son
dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibulaire
ferme et indolore en regard des dents 46–47, de
de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.
Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses
masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotransparent.
Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. Il
n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3. Les
examens biologiques standards sont normaux, y compris
les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie
sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´fie´e
pose le diagnostic de le´sion fibro-osseuse sans plus de
pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions
mandibulaires pe´ri-apicales multiples pre´dominant
dans les territoires molaires, avec une pre´servation de
l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire
(fig. 1).
Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques.
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en capuchon des apex molaires.
Re´ponse
Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`-
nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type
dysplasie ce´mento-ossifiante (DCO). Un suivi clinique exclusif
est de´cide´.
Les le´sions fibro-osseuses des maxillaires regroupent la dysplasie
fibreuse, les fibromes ossifiants (anciennement appele
´s fibromes ce´mento-ossifiants) et les dysplasies osseuses
(ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO floride.
Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le fibrome ossifiant
(ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois difficile. Dans notre cas,
les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives [1] et
des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par
la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr –
et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation
radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multiples
en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo
radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est
retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection [2]. Cependant,
l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la
pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes originaires
d’Afrique noire.
L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs affirment
qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´riodontal
[3], comme en te´moigne sa localisation quasi exclusive
en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de
DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est atteste
´e [2]. Cette donne´e permet uniquement d’affirmer que la
DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.
Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et
l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.
Kawai et al. [2] de´finissent six pre´sentations radiologiques
selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair
ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex,
ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire. En
revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai
et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la
gene`se de la pathologie.
Les classifications successives de l’OMS consacre´es aux
tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO
dans la cate´gorie des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien
avec l’appareil odontoge´nique » [4], puis dans le groupe des
« ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’os » [5]. La
dernie`re classification de l’OMS la range dans le groupe des
« dysplasies osseuses » et lui attribue une origine ligamentaire [6].
Dans le cas pre´sente´ ici, l’espace ligamentaire pe´riodontal
des dents affecte´es e´tait pre´serve´ sur tout le pe´rime`tre
radiculaire (fig. 1), ce qui serait en faveur d’une origine
me´dullaire. Il existe en effet des tumeurs extramaxillaires
pouvant produire du ce´ment [7]. La formation de ce´ment par
l’os me´dullaire pe´riapical n’est pas de´montre´e et la persistance
de l’espace ligamentaire pe´riodontal peut eˆtre le
re´sultat d’une migration des ce´mentoblastes vers l’os via
les canaux de Volkmann [2] ou la conse´quence de troubles de
la diffe´rentiation entre oste´o- et ce´mentoblastes.
La production de ce´ment par l’os me´dullaire serait un cas
inte´ressant d’anomalie de signalisation entre oste´oblastes et
ce´mentoblastes. L’e´lucidation des me´canismes a` l’origine de
la DCO permettrait de mieux comprendre l’activite´ physiologique
du ligament pe´riodontal et ses interactions avec les
structures environnantes.
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