lundi 29 juillet 2013

Sémiologie et examen clinique

Sémiologie et examen clinique
J.J. Wyndaele

1. Introduction
La sémiologie médicale est l’étude des symptômes
et des signes cliniques qui conduiront au
diagnostic. Chez un homme se plaignant d’incontinence,
les symptômes sont semblables aux
symptômes rencontrés chez la femme : ce sont
des pertes involontaires d’urine.
Tout comme chez la femme, les circonstances
d’apparition de l’incontinence sont spécifi ques :
les fuites font suite à un besoin urgent d’uriner
ou surviennent lors d’un eff ort. Les 2 mécanismes
peuvent être présents simultanément : il s’agit
alors d’une incontinence mixte. Chez l’homme,
les troubles mictionnels les plus fréquents sont
ceux liés à une obstruction prostatique (dysfonctionnement
du bas appareil urinaire – en anglais
Lower Urinary Tract Symptoms – LUTS). Ces troubles
s’aggravent après 50 ans et retentissent sur la
qualité de vie (1). Outre le syndrome obstructif,
il existe généralement des symptômes liés à une
hyperactivité de la vessie (Overactive Bladder Syndrome,
OABS) comme la pollakiurie et l’urgenturie
dont la prévalence augmente avec l’âge (2).
L’incontinence d’urgence chez l’homme peut être
secondaire à d’autres pathologies que l’hypertrophie
de la prostate ; citons les infections urinaires,
une lithiase, une tumeur vésicale, un corps étranger
intravésical, l’irradiation pour cancer, le diabète...
Les incontinences par insuffi sance sphinctérienne
sont moins fréquentes et se rencontrent essentiellement
dans les circonstances suivantes :
– après chirurgie ou radiothérapie de la prostate;
– en cas de vessie neurologique secondaire à une
tumeur, un traumatisme, la sclérose en plaques,
un canal lombaire étroit... ;
– à la suite de certains traumatismes : fracture du
bassin...

2. Sémiologie
L’incontinence urinaire est défi nie comme étant
« une perte involontaire d’urine ». Cette défi -
nition est reconnue au niveau international par
toutes les conférences de consensus qui se sont tenues
sur le sujet (3). Cette défi nition est univoque
quelles que soient les personnes concernées.
On distingue :
– L’incontinence urinaire d’eff ort est caractérisée
par une fuite involontaire d’urine, non
précédée d’une sensation de besoin d’uriner et
qui survient à l’occasion d’une élévation de la
pression abdominale telle qu’un eff ort de toux,
soulèvement de charge ou de toute autre activité
physique. Ce type d’incontinence est lié à
un dysfonctionnement du système ligamentomusculaire
qui assure la fermeture du canal de
l’urètre hors des périodes de miction. Le plus
souvent, l’incontinence urinaire d’eff ort est un
phénomène acquis, les interventions chirurgicales
représentant le principal facteur de risque
identifi é chez l’homme. Il existe fréquemment
une continence relativement correcte en décubitus,
mais des fuites à la station debout avec
ou sans eff ort.
– L’incontinence urinaire par hyperactivité vésicale
est caractérisée par une perte involontaire
d’urine, précédée par un besoin urgent et irrépressible
d’uriner aboutissant à une miction qui
ne peut être contrôlée. Ce type d’incontinence
s’intègre dans le syndrome d’hyperactivité vésicale
qui est caractérisé par la survenue d’un
besoin mictionnel soudain et diffi cile, voire impossible
à maîtriser. Le plus souvent, le syndrome
d’hyperactivité vésicale est d’étiologie idiopathique.
Cependant, il peut également être la
conséquence d’une pathologie neurologique
altérant le fonctionnement vésico-sphinctérien.
– L’incontinence urinaire mixte est l’association
chez un même individu d’une incontinence
urinaire d’eff ort et d’une hyperactivité vésicale.
– L’énurésie se défi nit comme une miction normale
et complète, involontaire et inconsciente,
sans lésion de l’appareil urinaire et survenant à
un âge où le contrôle sphinctérien est normalement
acquis. Chez l’homme adulte, l’énurésie
est rare et dans la majorité des cas liée à une
lésion neurologique centrale ou une lésion anatomique
importante du bas appareil urinaire.
• L’incontinence par regorgement est une incontinence
par trop-plein, elle est liée à un grand
résidu.
• Le dribbling postmictionnel correspond à des pertes
de quelques gouttes d’urine après la miction.
• L’incontinence réfl exe est secondaire à une hyperactivité
du muscle détrusor ou à une relaxation
involontaire du sphincter urétral sans sensation
de besoin d’uriner et causée par une pathologie
neurologique.
Contrairement à la femme, les hommes souff rent
plus fréquemment d’incontinence par hyperactivité
vésicale que d’incontinence urinaire à l’eff ort.

3. Comment faire un diagnostic
de base ?
3.1. Évaluation initiale
À faire chez tout homme venant consulter pour
une incontinence urinaire
3.1.1. Anamnèse et évaluation générale
L’homme incontinent doit être investigué en
détail : de multiples facteurs peuvent avoir des
répercussions sur les symptômes ou infl uencer le
résultat du traitement.
Voici quelques questions liées au symptôme
« incontinence » qui doivent être posées systématiquement
• Depuis combien de temps avez-vous des pertes ?
• Les pertes d’urine ont-elles débuté à la suite
d’un événement précis : opération, prise d’un
médicament, traumatisme ?
• Perdez-vous de l’urine lors d’un eff ort physique?
• Avez-vous parfois une sensation soudaine, inattendue
de devoir aller uriner ? Dans ce cas,
pouvez-vous encore vous retenir ?
• Combien de fois par jour allez-vous uriner ?
Ressentez-vous chaque fois un besoin ? Allezvous
aux toilettes pour éviter des pertes ?

• Devez-vous vous lever la nuit pour uriner ?
Si oui, est-ce parce que vous ressentez le besoin
d’uriner ? Ou est-ce parce que vous êtes
réveillé ? (insomnies)
• Utilisez-vous des protections ? Lesquelles ?
Combien ? Jour et nuit ?
• Quel traitement a-t-il été appliqué ? Résultat ?
Petite amélioration ?
• Quelle quantité buvez-vous durant la journée,
pendant la nuit ?
Il est intéressant de savoir ce que le patient mange
et boit, surtout si la diurèse et la totalité des boissons
mentionnées ne semblent pas correspondre.
Quelques tranches de pain contiennent environ
60 ml de liquide, un déjeuner ou dîner 400-600
ml de liquide. Une liste de quelques aliments
avec leur teneur en liquide est donnée ci-après
(tableau I).
Une série d’informations complémentaires seront
colligées :
• histoire urologique ;
• mobilité et autonomie du patient ;
• état mental du patient afi n de déterminer s’il
pourra suivre les propositions thérapeutiques ;
• maladies intercurrentes (diabète, cancer…) ;
• pathologie digestive basse : problèmes de défécation

• fonction sexuelle qui peut être altérée par l’incontinence

• médicaments pris régulièrement. Les classes de
médicaments suivantes peuvent induire ou infl
uencer une incontinence :
– diurétiques (polyurie),
– anticholinergiques mydriatiques, anti-par

Tableau I - Teneur en liquide de
quelques aliments


parkinsoniens
(rétention urinaire, incontinence
par regorgement),
– psychotropes : antidépresseurs, neuroleptiques
(rétention urinaire, incontinence par
regorgement, sédation),
– morphiniques (rétention urinaire, incontinence
par regorgement, fécalome, sédation, delirium),
– alpha-mimétiques décongestionnants (rétention
urinaire, incontinence par regorgement),
– alpha-bloquants (diminution de la résistance
urétrale et donc risque d’incontinence),
– béta-mimétiques (rétention urinaire, incontinence
par regorgement) ;
• histoire familiale : maladies héréditaires.

3.1.2. Quantifi cation des symptômes et
infl uence des symptômes sur la qualité
de vie
Le carnet mictionnel est d’une aide précieuse

(4). Le patient y colligera l’heure et le volume
des boissons, l’heure et le volume des mictions,
l’heure et la quantité des pertes d’urine. Il est important
de noter pour quelle raison on est allé
uriner, puisque dans 40 % des cas, les mictions
sont en fait guidées par les circonstances et non
par un besoin d’uriner (5). Le tableau II détaille
une page (complétée) d’un carnet mictionnel.
Mesurer les pertes urinaires peut être eff ectué en
pesant les serviettes protectrices avant et après
utilisation: la diff érence de poids en grammes est
représentative de la quantité perdue en millilitres.
Si le patient porte un étui pénien, les pertes peuvent
être mesurées directement et sans diffi culté.
Des questionnaires ont été développés pour stratifi
er les symptômes et déterminer leur infl uence
sur la qualité de vie (6-8). La conférence de
consensus ICI 2004 recommande pour les hommes
le ICIQ, I-QOL, SEAPI-QMM, ICSmale
SF, OAB-q, DAN-PSS, ICSmale (9).
Certains auteurs ont mis en doute la validité et
la fi abilité des symptômes d’incontinence après
chirurgie de la prostate (10) et dans l’hyperactivité
vésicale (11). Toutefois, la plainte d’incontinence
urinaire à l’eff ort nous semble très indicative de la
présence d’une lésion sphinctérienne (12, 13).

Tableau II - Carnet mictionnel d’un patient souffrant d’incontinence par
hyperactivité vésicale.
CARNET MICTIONNEL
Nom : Âge : Date:
❒ Lun x Mar ❒ Mer
❒ Jeu ❒ Ven ❒ Sam ❒ Dim
Lever : 7 h 30
Coucher : 22 h 15

3.1.3. Symptômes et signes d’appel
• douleurs : à la miction, spontanée, continue ;
• hématurie ou urétrorragie ;
• dysurie intense : poussée abdominale pour déclencher
la miction, sensation de vidange incomplète
• infection urinaire récidivante ou chronique ;
• fi èvre ;
• sensations anormales de besoin, sudations,
céphalées ;
• paresthésies ou paralysie ou perte du besoin
d’uriner ;
• pathologie neurologique connue ;
• incontinence totale (urinaire et fécale).
Ces symptômes nécessitent un avis spécialisé !
Ce qui est décrit ci-dessus peut paraître fastidieux,
nécessitant un temps de consultation important.
Un médecin expérimenté peut toutefois
faire cette anamnèse rapidement. Une approche
systématisée permettra de glaner un maximum
d’informations dans un laps de temps limité.

3.2. Examen clinique

3.2.1. Inspection générale
• aspect général du patient ;
• mobilité - autonomie du patient ;
• gonfl ement de l’hypogastre suggérant un globe
vésical ;
• oedèmes ;
• poids.

3.2.2. Examen génito-urinaire
• Examen de l’abdomen :
– globe vésical ?
– cicatrices ?
• Examen du pénis :
– sténose du méat urétral ?
– hypospadias ?
– déformation importante du pénis ?
– lésions liées à l’utilisation d’un étui pénien ?
• Examen scrotal, inguinal et périnéal :
– lésions cutanées : irritation, infection, signes
d’allergie ?
– pathologie testiculaire ? Hernie inguinale ?
• Toucher rectal :
– examen de la prostate
– tonus anal
– détection d’un éventuel fécalome
– pathologie rectale surajoutée ?

3.2.3. Examen neurologique de base
Il comportera un :
• Examen de la sensibilité au toucher au niveau
des diff érents dermatomes du périnée.
• Examen des réfl exes permettant de démontrer
l’intégrité des niveaux médullaires et des nerfs
périphériques correspondants (tableau III) :
– réfl exe bulbocaverneux : le pincement du gland
provoque une contraction du sphincter anal ;
– réfl exe anal : le doigt mobilisé doucement
dans l’anus induit une contraction du
sphincter anal ;
– réfl exe crémastérien : la stimulation de la
peau à la face interne de la cuisse entraîne
une rétraction du testicule ipsilatéral.
• Examen du plancher pelvien : il est important
d’un point de vue neurologique, mais aussi
pour juger de l’indication d’une rééducation
périnéale (14, 15) :
– les muscles concernés seront examinés :
• sphincter anal : le doigt introduit 1 cm
dans l’anus,

Tableau III - Les réfl exes permettant de contrôler indirectement l’innervation du
bas appareil urinaire.
muscle puborectal (releveur de l’anus) : le
doigt introduit 3-4 cm dans l’anus et dirigé
latéralement,
• sphincter urétral : le doigt intra-anal dirigé
vers l’avant, poussé entre les branches pubiennes,
en dessous de la prostate ;
– la contraction du plancher pelvien peut également
être évaluée au niveau périnéal en
plaçant les doigts entre le scrotum et l’anus
sur le centre tendineux ;
– les paramètres classiques utilisés pour évaluer
la contractilité de la musculature périnéale
sont explicités dans le tableau IV.

3.3. Test à l’effort
Peu pratiqué chez l’homme, contrairement à la
femme, ce test peut avoir une valeur diagnostique
de l’incontinence à l’eff ort. La vessie doit
être suffi samment remplie : on invite le patient à
tousser ou à faire une manoeuvre de Valsalva. Si
une fuite d’urine survient, on enfonce 2 doigts
de part et d’autre de l’urètre bulbaire. Le test est
positif si la fuite s’arrête. Si l’on n’observe pas de
fuite en position couchée, le test peut être réalisé
en position debout.

4. Conclusion
Anamnèse et examen clinique sont rarement suffi
sants dans le bilan d’une incontinence urinaire
chez l’homme. Ils constituent toutefois les prérequis
dans le bilan de tout patient. Des examens
complémentaires seront nécessaires chez la majorité
des patients. Les investigations de base sont
indispensables au diagnostic de la pathologie,
dans la sélection des examens complémentaires
à demander et dans l’orientation thérapeutique
du patient.

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