L’imagerie
J.-F. Lapray, A. Ruffi on et J.-P. Pracros
Contrairement a la femme, l’imagerie de l’incontinence
urinaire (IU) de l’homme a suscite
beaucoup moins d’etudes et de publications, du
fait de sa moindre frequence et de son etiologie
souvent iatrogene.
Apres avoir rappele les methodes d’investigation
de l’imagerie du bas appareil urinaire masculin
et ses images fondamentales, nous envisagerons
successivement l’imagerie de l’IU masculine et de
ses traitements dans les causes vesicales, les obstacles
sous-vesicaux et les insuffi sances sphincteriennes
postchirurgicales. Cette segmentation est
bien sur theorique pour les besoins de l’expose.
A cote de l’imagerie de l’uretre masculin, a l’heure
actuelle encore dominee par la radiologie conventionnelle
pour l’etude de la miction, les explorations
en coupes (tomodensitometrie et surtout
echographie endocavitaire et IRM) voient leur
place augmenter par leur faculte d’imagerie des
structures periuretrales et des organes et tissus de
voisinage. Cependant, bien que capables de voir
et parfois d’analyser le sphincter strie, l’echographie
et l’IRM ne proposent pas encore de criteres
de routine pour defi nir en imagerie, voire predire,
l’insuffi sance sphincterienne.
Le patient neurologique et l’enfant, du fait de
leur specifi cite, font l’objet de sous-chapitres separes.
1. Explorations radiologiques
Quelle que soit la methode d’opacifi cation choisie,
le cliche initial sans preparation, realise apres
vidange vesicale, doit montrer la zone de projection
de l’ensemble de l’appareil urinaire, des aires
renales a la region prostatique qui se projette
quelques centimetres sous la symphyse pubienne.
L’imagerie numerisee est souhaitable.
1.1. Urétro-cystographie retrograde et mictionnelle (UCRM)
1.1.1. Technique
L’examen comporte 2 parties : 1 phase retrograde
permettant l’etude de l’uretre anterieur, tandis
que la phase mictionnelle appreciera le col vesical
et l’uretre posterieur. Il est contre-indique en
presence d’une infection urinaire.
La video-urodynamique est traitee par ailleurs.
Phase rétrograde
Apres une asepsie du gland et du meat uretral,
une sonde de Foley (12 Ch) avec ballonnet est
introduite dans l’extremite de l’uretre et le ballonnet,
positionne dans la fossette naviculaire, est
rempli avec 1 a 2 cc de serum physiologique pour
obtenir une occlusion complete realisee quand la
sonde ne peut plus etre delicatement mobilisee.
L’utilisation d’un gel anesthesique uretral n’est
pas recommandee, car elle ne supprime pas le
desagrement en fi n de remplissage du ballonnet
alors qu’elle favorise l’expulsion iterative de la
sonde.
Le patient, qui a vide au maximum sa vessie aux
toilettes, est en decubitus lateral oblique a 45° et la
sonde est fi xee sur la cuisse. La sonde a ete raccordee
a un ballon de perfusion sureleve contenant
250 cc de produit de contraste (a 146 mg d’iode/
ml) et purgee pour eviter toute bulle d’air, avant
son introduction. La perfusion debute avec un
debit modeste tant que le passage vesical du produit
de contraste n’a pas ete obtenu en montrant
au patient le retentissement de sa relaxation pelviperineale
par la vitesse des gouttes tombant dans
le reservoir de la tubulure, et le debit est augmente
en rapport. Des fl ashs de scopie televisee
sont eff ectues de temps en temps pour verifi er
l’absence d’extravasation au niveau de l’uretre
anterieur ou d’autres anomalies. Deux cliches
prenant l’ensemble de l’uretre et de la vessie sont
eff ectues successivement pendant le remplissage
qui est poursuivi jusqu’a obtenir un besoin manifeste
de miction par le patient, normalement
vers 400-500 cc apres perfusion d’un deuxieme
ballon, mais continue au-dela en l’absence de
besoin mictionnel. Une variante consiste a injecter
environ 100 cc de produit de contraste
pur et a associer a une hydratation jusqu’au
besoin d’uriner. Des cliches complementaires
sont bien sur eff ectues en fonction de la pathologie
: mobilisation du patient ou de la verge
pour derouler une stenose, iconographie d’un
refl ux vesico-ureteral, etc.
Phase mictionnelle
En fi n de remplissage, apres avoir note la capacite
vesicale, un grand cliche couvrant l’ensemble
de l’appareil urinaire (eventuel refl ux) est eff ectue
de face apres ablation de la sonde, complete par
d’autres incidences en fonction des anomalies : volumineux
diverticule vesical, lacune vesicale, etc.
Les cliches mictionnels sont realises debout en
oblique a 30°, avec une main du patient tenant
l’urinal par son anse et l’autre membre superieur
largement ecarte du champ. Le gland doit reposer
sur l’extremite de l’urinal dispose dans l’axe
de la verge en evitant toute elevation de l’urinal
par le patient, source de fausse stenose uretrale au
contact du bord de l’urinal, et toute coudure de
la verge. Des cliches a grand axe vertical couvrant
la vessie et la totalite de l’uretre et quelques centimetres
sous le meat uretral sont eff ectues lors
d’une miction franche qu’il faut laisser s’etablir,
puis interrompre des la prise du cliche. En general,
2 poses sont eff ectuees dans la position initiale
et une 3e en oblique controlateral en inversant
la position des membres superieurs. Des cliches
complementaires sont eff ectues en fonction de la
pathologie : modifi cation de l’oblique pour visualiser
une stenose avec une incidence strictement
laterale, angulation cephalique du tube emetteur
de rayons X pour degager le col vesical, etc.
Un grand cliche postmictionnel en decubitus de
face, permettant d’apprecier le volume du residu,
termine l’examen, apres passage aux toilettes
pour une vidange aussi complete que possible.
Le risque principal est l’extravasation sous-muqueuse
de produit de contraste au niveau de
l’uretre anterieur marque rapidement par le drainage
veineux periuretral (corps caverneux, veine
dorsale, etc.), necessitant l’arret de la perfusion
et de l’examen si elle se produit au debut. Les
suites sont generalement sans consequence. Ces
extravasations sont favorisees par un etat infl ammatoire
de l’uretre, un traumatisme recent, ou
un obstacle avec une pression de perfusion mal
adaptee (stenose organique, contraction invincible
du sphincter strie chez le jeune). Le risque infectieux
ne necessite pas de traitement antibiotique
prophylactique en dehors de cas particuliers
(infections chroniques, examen laborieux, etc.).
1.1.2. Variantes techniques
Autres techniques d’opacifi cation rétrograde
Elles repondent au protocole precedent pour la
realisation des cliches.
–Opacifi cation uretrale par mise en place d’une
canule rigide a embout conique obturant l’uretre
juxta-meatique, reliee a une seringue de grande
capacite remplie de produit de contraste (1).
Cette methode a l’inconvenient, outre la necessite
de la presence permanente de l’operateur et de
son irradiation, de forcer le sphincter strie avec
un risque accru d’extravasation.
–Auto-uretrographie (2) :
Il s’agit d’une variante des 2 methodes precedentes,
puisque la sonde de Foley mise en place
comme dans l’UCRM est reliee a une seringue
de grande capacite, mais qui est, dans ce cas,
utilisee par le patient a qui l’on demande d’injecter
doucement avec une pression continue le
produit de contraste en exercant une certaine
traction sur la verge maintenue a l’horizontale.
Elle limite les risques de douleurs et d’extravasation
par la meilleure relaxation du sphincter
strie, mais ne peut s’adresser qu’aux patients tres
cooperants.
Cas particuliers
–En cas d’incontinence majeure :
Il est souvent judicieux de n’enlever la sonde qu’au
dernier moment, patient debout, tout etant pret
pour les cliches mictionnels et de demander au
patient de pincer la verge entre chaque miction.
Cette methode de compression uretrale (cliche
en miction contrariee) est aussi utilisee avec la
mise en place d’une pince a verge en arriere du
gland, pour visualiser l’aval d’une stenose en cas
de cystographie descendante isolee (1).
–Chez les patients neurologiques ou a mobilite
reduite :
Les cliches mictionnels peuvent etre eff ectues en
decubitus lateral oblique.
La miction peut etre initiee dans certains cas par
la percussion sus-pubienne ou l’injection d’un
produit de contraste rafraichi.
1.2. Cysto-urétrographie descendante
La realisation des cliches est identique a celle de
la 2e partie de l’UCRM a partir du cliche en repletion
vesicale jusqu’au cliche postmictionnel.
L’information apportee par les cliches d’uretrographie
retrograde est bien sur absente.
1.2.1. Urographie intraveineuse (UIV)
L’opacifi cation vesicale est obtenue par l’injection
intraveineuse de produit de contraste qui
a permis l’etude du haut appareil, et necessite,
outre les habituelles contre-indications (allergie),
une fonction renale normale permettant l’injection
d’une dose elevee de produit de contraste
(2 ml/kg d’un produit a 38 % d’iode injectes en
2 temps) et un residu postmictionnel qui ne soit
pas majeur. Elle necessite, d’autre part, une attente
prolongee, environ 2 heures ou plus apres
l’injection, diminuee par un apport hydrique en
veillant a ne pas provoquer une dilution trop importante.
En fait, la diminution majeure des indications de
l’UIV sous la poussee des scanners et urocanners
a tres largement reduit la realisation de cette methode,
qui etait reine jusqu’a il y a une vingtaine
d’annees, avant la diff usion des explorations en
coupes.
La realisation de cliches mictionnels apres scanner
ou uroscanner se heurte a plusieurs ecueils
dont le principal est la dilution du produit de
contraste vesical (qui est majeure en cas d’uroscanner
avec apport hydrique et/ou injection de
diuretiques).
1.2.2. Cystographie par cathétérisme
Elle est surtout utilisee chez l’enfant du fait du risque
de fausse-route et d’infection chez l’adulte.
Par contre, elle est eff ectuee facilement lorsque
le patient est porteur d’une sonde vesicale (apres
chirurgie vesicale ou uretro-prostatique, cystographie
de desondage). Une perfusion de produit
de contraste par la sonde, avec les precautions anti-
infectieuses habituelles, est realisee jusqu’a la
repletion vesicale. Puis la sonde est enlevee et les
cliches sont eff ectues comme lors de la 2e partie
de l’UCRM. Du fait d’une miction souvent
explosive, et breve, en rapport avec une vessie a
la capacite generalement limitee, il est prudent
de n’enlever la sonde qu’au dernier moment en
position debout (cf. 1.2.).
Lorsque la sonde est sus-pubienne (cystocath), la
repletion vesicale de produit de contraste est eff ectuee
apres vidange vesicale, la sonde etant clampee
avant la realisation des cliches mictionnels.
1.2.3. Cysto-urétrographie sus-pubienne
Sur une vessie pleine et distendue, verifi ee sur le
cliche sans preparation (eventuellement en echographie),
une ponction verticale est eff ectuee
environ 2 a 3 cm au-dessus de la symphyse pubienne,
avec une aiguille (18G) dont le mandrin
metallique est retire quand jaillit l’urine et remplace
par un guide a extremite souple (0,35) sur
lequel est glisse un catheter qui s’enroule dans la
cavite vesicale, selon la methode de Seldinger. La
bonne position du catheter est verifi ee par l’injection
de quelques cc de produit de contraste
et poursuivie (par perfusion ou a la seringue)
jusqu’a la quantite d’urines qui a ete evacuee
prealablement apres la mise en place du catheter.
Cette derniere peut s’eff ectuer sous echographie.
La methode n’est pas exempte d’incidents (echec
de catheterisme, extravasation intramurale ou extravesicale,
urinome, etc.) (1).
1.3. Résultats normaux
1.3.1. Le cliché sans préparation
L’analyse recherche des lithiases sur l’ensemble de
l’appareil urinaire, des anomalies rachidiennes,
un encombrement colique anormal.
1.3.2. La vessie
La capacite vesicale doit etre soigneusement notee,
ainsi que les symptomes conduisant a interrompre
la repletion avant une capacite de 400 a
500 cc (besoins imperieux, douleurs, contractions
vesicales spontanees, etc.). La paroi est normalement
reguliere et son epaississement est visible
par l’epaisseur du lisere parietal. L’analyse porte
sur la recherche d’une paroi de lutte, d’images
d’addition (diverticules) ou au contraire d’images
lacunaires mobiles (lithiases) ou fi xes (polypes ou
tumeur), d’un refl ux vesico-ureteral, de l’aspect
du col au repos et en miction. Les cliches en repletion
vesicale et postmictionnel couvrent aussi
les reins (verifi cation d’une impregnation des cavites
renales temoignant d’un refl ux inapercu lors
du remplissage ou de la miction).
1.3.3. L’urètre
L’uretre masculin, d’environ 18 a 20 cm de
longueur, est divise en uretre posterieur, qui
comprend l’uretre prostatique et l’uretre membraneux,
et en uretre anterieur (ou spongieux)
parfois divise en uretre bulbaire et penien (3),
avec une portion fi xe et une autre mobile.
L’uretre, dont le calibre est variable, presente lors
de la miction 3 segments plus larges : segment
prostatique, cul-de-sac bulbaire et fossette naviculaire
retromeatique et 3 zones moins expansives
: l’orifi ce superieur de l’uretre prostatique,
l’uretre membraneux et le meat.
L’uretre anterieur est au mieux apprecie par les
cliches retrogrades de l’UCRM, tandis que l’uretre
posterieur ne peut s’analyser que sur les cliches
mictionnels.
L’urètre antérieur
Sur les cliches retrogrades de la 1re phase de
l’UCRM, il existe une distension artifi cielle de
l’uretre anterieur, liee au relachement incomplet
du sphincter strie (fi g. 1). Cette distension permet
de detecter une stenose moderee qui ne serait
pas evidente sur les cliches mictionnels, en
particulier s’il existe un obstacle d’amont (hyperplasie
benigne de la prostate (HBP) en particulier).
Le calibre de l’uretre anterieur se reduit
brusquement en devenant fi liforme en amont du
cul-de-sac bulbaire, ou se marque parfois l’empreinte
du muscle bulbo-caverneux et ou s’amorce
une direction verticale vers l’uretre membraneux
(1). L’uretre posterieur est generalement
fi liforme du fait de l’obstacle du sphincter strie,
mais montre generalement bien l’allongement
de l’uretre prostatique en cas d’HBP et la saillie
eventuelle de la levre posterieure du col vesical en
cas d’hypertrophie du lobe median.
L’urètre postérieur
Il s’analyse sur les cliches mictionnels (fi g. 1).
L’extremite inferieure du col vesical ouvert marque
l’orifi ce superieur plus etroit de l’uretre
prostatique, fusiforme, ou se dessine a sa partie
moyenne l’image lacunaire a grand axe vertical,
correspondant a la saillie du veru montanum,
prolongee par les replis muqueux parfois visibles.
La saillie du veru montanum permet de diff erencier
l’uretre sus-montanal, d’environ 15 mm chez
l’adulte jeune, et allonge en cas d’HBP, de l’uretre
sous-montanal. Lui fait suite l’uretre membraneux
court et etroit auquel succede le cul-de-sac
bulbaire marquant le debut de l’uretre anterieur.
L’uretre anterieur, moins distendu que sur les cliches
retrogrades, presente des bords paralleles en
dehors des 2 zones plus larges que sont le culde-
sac bulbaire au debut et la fossette naviculaire
retromeatique a son extremite distale.
Les glandes se drainant dans l’uretre ne sont nor-
malement pas opacifi ees : glandes prostatiques
avec de nombreux orifi ces au voisinage du veru
montanum, glandes de Cowper s’abouchant au
niveau de la paroi inferieure du cul-de-sac bulbaire,
glandes de Littre sur la face dorsale de
l’uretre anterieur. Leur opacifi cation est en faveur
de phenomenes infl ammatoires. L’opacifi cation
diff use des glandes prostatiques peut s’observer
apres une resection prostatique transuretrale.
1.4. Irradiation
L’irradiation d’une UCRM peut etre estimee a
environ 1 mSv. Cette irradiation est directe sur
les gonades et implique l’abstention de tout cliche
inutile ou non informatif.
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