Endocardite infectieuse
Dr Matta Matta, Pr Jean-Luc Mainardi
L’endocardite infectieuse (EI) est une
maladie infectieuse sévère et létale en
l’absence d’antibiothérapie efficace et
prolongée avec ou sans chirurgie adjuvante.
Elle reste néanmoins une pathologie peu fréquente en France,
avec une incidence de 31 cas/an/million d’habitants. Cette fréquence
est restée stable durant les dernières années malgré une
amélioration de la prise en charge, notamment l’antibioprophylaxie
pour les gestes à risque, car, parallèlement à la disparition
des valvulopathies post-rhumatismales, on note une augmentation
des autres facteurs de risque. Ainsi l’augmentation du nombre
des prothèses valvulaires et des dispositifs intracardiaques, le
vieillissement de la population avec augmentation des valvulopathies
dégénératives, ont contribué à la majoration de la fréquence
de l’endocardite chez des personnes maintenant plus âgées.
Parallèlement à la modification de la population susceptible de
développer une EI, on note également une modification des germes
responsables. Ainsi on assiste à une augmentation de la fréquence
de certains streptocoques commeS. gallolyticus sub spp.gallolyticus
(anciennement appelé S. bovis), actuellement premier germe en
France en termes de fréquence (tableau 1), du staphylocoque,
surtout S. aureus, et à la découverte du rôle joué par les bactéries
intracellulaires telles que Coxiella burnetii et Bartonella spp.
De nouveaux pathogènes,Tropheryma whipplei par exemple, ont
été découverts comme également responsables d’endocardite
grâce à l’utilisation de nouveaux moyens diagnostiques tels que
les outils de biologie moléculaire, en particulier l’amplification et
le séquençage du gène codant pour l’ARN 16S ribosomal.
PHYSIOPATHOLOGIE
Trois étapes interviennent dans le développement de l’EI.
✓ Lors d’une première étape, on assiste à un dépôt de fibrine et
plaquettes sur l’endothélium valvulaire facilité par des lésions
endothéliales préexistantes.
✓ La deuxième étape comprend la greffe des bactéries, à la suite
d’une bactériémie transitoire, favorisée par les adhésines bactériennes,
notamment les MSCRAMMS (pour microbial surface
component reacting with adhesive matrix molecules).
✓ La troisième étape consiste en une survie et une multiplication
des bactéries, malgré les mécanismes de défense de l’hôte, leur
dissémination causant une extension locale de l’infection avec
apparition d’abcès ainsi qu’une insuffisance cardiaque par destruction
valvulaire. De plus, la végétation peut se fragmenter,
responsable d’emboles septiques ou non septiques. Durant cette
étape, on a également un essaimage des bactéries, avec apparitions
de foyers septiques secondaires et un largage d’antigènes avec
apparition de phénomènes de vascularite à la suite de la formation
de complexes immuns circulants.
DIAGNOSTIC
Habituellement, le diagnostic de l’EI reposait sur la persistance
d’hémocultures positives et la présence de lésions histologiques
des valves atteintes. Cependant, en 1994, une nouvelle classification
des endocardites fondée sur des critères cliniques, bactériologiques
et échographiques a été proposée par l’université de Duke. Ces
critères ont été modifiés en 2000 et sont actuellement adaptés
sous le nom de critères de Duke modifiés (encadré). Une endocardite
est dite certaine si on a 2 critères majeurs ; ou 1 critère majeur
et 3 mineurs ; ou 5 critères mineurs. Elle est dite possible si on a
un critère majeur et un critère mineur ou 3 critères mineurs.
Clinique
Bien que l’EI soit une atteinte infectieuse du coeur et plus précisément
de ses valves, elle se manifeste souvent par des signes
cliniques divers et variés nécessitant un examen clinique complet.
✓ Sur le plan général, la prise des constantes vitales doit être
systématique.
✓ Sur le plan cardiologique, il convient de rechercher à l’auscultation
l’apparition d’un nouveau souffle (critère majeur de Duke) et à un
degré moindre une modification d’un souffle connu. La recherche
de signes en faveur d’une insuffisance cardiaque, tels que l’apparition
d’une orthopnée ou d’une turgescence jugulaire, est également
essentielle, car la présence de cette dernière change la prise
en charge thérapeutique.
✓ Sur le plan systémique, il faudra dépister la présence de signes
neurologiques évocateurs d’un accident vasculaire cérébral postembolique
ou hémorragique. La palpation abdominale doit
rechercher une hépatosplénomégalie. L’examen cutané a un intérêt
double : la recherche de signes en faveur de l’EI, et la recherche
d’une porte d’entrée. Parmi les signes cutanés en faveur de l’EI,
on note les faux panaris d’Osler et les taches de Janeway.
✓ Les portes d’entrée à rechercher sont un éventuel foyer dentaire,
d’abcès cutanés ou de signes urinaires.
✓ Le reste de l’examen clinique permet par l’examen ophtalmologique
de rechercher une hémorragie sous-conjonctivale, de
rechercher une arthrite ou une spondylodiscite et d’éliminer des
emboles septiques au niveau des membres par une palpation
des pouls périphériques.
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